La construction d’une cimenterie dans la commune rurale de Badaguichiri (région de Tahoua) fait toujours parler d’elle. Spoliées de leurs terrains (de vastes domaines de cultures faisant plus de 3 500 hectares), près de trois cents (300) familles ont porté l’affaire devant le tribunal de grande instance de Tahoua.
Un simple coup de fil a suffi…
Le 22 juin 2022, le Conseil des Ministres avait sans surprise adopter un projet de décret accordant le bénéfice des avantages du régime conventionnel du Code des Investissements à la société « CHINA AFRICA BUILDING MATERIAL (CBM) NIG S.A » pour son activité de production de ciment à Bouji-2 Bis, commune rurale de Badaguichiri, département d’Illéla, région de Tahoua. La société s’est alors engagée à investir 159 076 164 796 francs CFA HT et hors fonds de roulement pour son activité. Mais CHINA AFRICA BUILDING MATERIAL (CBM) NIG S.A n’agit pas dans la transparence. Des investigations de la HALCIA sur le projet de construction, autour duquel il existait de nombreuses zones d’ombre, mettront au jour des irrégularités douanières, fiscales et administratives. Par ailleurs, des engins roulants et d’autres matériels importés ont été vendus en HT à une autre société chinoise, CBM/NIGER S.A. Une fraude à grande échelle qui a fait perdre à l’Etat beaucoup d’argent. Malgré cela, un simple coup de fil suffira à faire lever les mesures conservatoires prises par la HALCIA, notamment la suspension des travaux de construction de la cimenterie. Un homme politique nigérien serait-il derrière la construction de cette cimenterie dont les travaux avancent à pas de géant ?
Des cultures de céréales déracinées
La cimenterie, dont les premières tonnes de ciment sont attendues avant fin juin 2023, s’étend sur de vastes domaines de cultures englobant plusieurs localités : Badaguichiri, Ala, Zongo, Tounga Saddi, Kaocen et Tambass. Les travaux de construction ont débuté en 2021, en pleine saison hivernale. Pour ce faire, des cultures de mil, sorgho, et autres, ont été rasées par des engins lourds. C’est incroyable ce qui a été fait, qui plus est dans un pays en proie à des récurrents déficits alimentaires. Des centaines de familles sont aujourd’hui plongées dans un désarroi total, et ce depuis deux ans, car privées de tout champ de culture. Et d’après les constats dressés par un huissier de justice, des constructions et autres installations ont été dressées sur le terrain.
Une expropriation illégale
Après l’occupation de leurs terres, les légitimes propriétaires ont été convoqués au palais du chef de canton d’Illéla pour s’entendre dire que la cimenterie est un projet gouvernemental contre lequel rien ne saurait s’y opposer. Mais les propriétaires terriens, mis devant le fait accompli, ne demandent qu’un juste dédommagement, conformément à la loi. Sont-ils vus comme des sous citoyens qui ne pouvaient avoir la loi de leur côté ? Ce qui est sûr, ils se verront remettre de modiques sommes à titre de dédommagement. A titre d’exemple, un propriétaire terrien s’est vu octroyer une somme de 15 000 francs et un autre 18 000 francs. Or, la Constitution dit très clairement en son article 28 : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique sous réserve d’une juste et préalable indemnisation ». Le droit de propriété est donc garanti et protégé par la loi. Les 300 familles de Badaguichiri et alentour sont victimes d’une expropriation illégale. D’après la loi sur les expropriations, en dehors des communes urbaines, des communes rurales et des gros villages, pour tous les autres villages, le prix de base d’aliénation d’un terrain est de 500 F/m2. Les familles expropriées conservent leur droit de propriété jusqu’à l’obtention d’une juste et équitable indemnisation. C’est pourquoi elles sollicitent de la justice l’arrêt de la construction de la cimenterie jusqu’à ce que la question du dédommagement soit réglé, et ce, sous astreinte de 10 millions de francs par jour de retard. Le droit sera-t-il dit ? Les deux parties vont-elles tenter de trouver un terrain d’entente ? Affaire à suivre…