Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Audience correctionnelle du mercredi 21 juin 2023. 10 heures 20 minutes. Le premier dossier appelé est relatif à une affaire de corruption. Sept (7) personnes sont appelées à la barre : quatre (4) agents des impôts et trois (3) agents de l’hôtel Galaxie de Dosso. De quoi s’agit-il ?
Les faits
Le 11 octobre 2022, la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) est saisie d’une dénonciation par un bloggeur relativement à un cas de corruption présumée mettant en cause des agents de la Direction régionale des impôts de Dosso dans le cadre d’une procédure de redressement fiscal contre l’hôtel Galaxie. Ce bloggeur a lui-même été alerté par un parent qui se trouvait être le responsable commercial de l’établissement hôtelier susdit, avec un enregistrement audio. Courant juillet 2022, le chef du service de contrôle fiscal et un vérificateur de la DRI de Dosso mènent un contrôle fiscal au niveau des hôtels Toubal et Galaxie. Au niveau de ce dernier, le contrôle porte sur les exercices 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022. Galaxie n’étant pas en règle vis-à-vis du fisc, cet hôtel se voit infligé des pénalités d’un montant total de 120 millions de francs CFA. Après le versement de certaines pièces comptables, ce montant est ramené à 75 millions de francs. Très vite, on passe ensuite à une notification primaire de 49 millions de francs dont 27 millions de droits et près de 17 millions de pénalités et amendes. Ce montant total sera ramené à 45 millions. Très vite également, les deux parties concluent un arrangement portant sur une somme de 30 millions de francs : 15 millions pour l’Etat et 15 autres pour les contrôleurs des impôts. Pour ce faire, Galaxie verse rapidement une avance de 4 millions de francs au chef du service de contrôle fiscal. Ce dernier partage équitablement cette somme avec son agent vérificateur. La somme est remise en mains propres par le responsable commercial de l’hôtel, le premier dénonciateur. Une autre somme de 1.500 000 francs est remise au directeur régional des impôts. Des dessous de table d’un montant total de 5.500 000 francs en contrepartie d’un rabaissement du montant du redressement fiscal. Cet arrangement est conclu entre le chef du service de contrôle fiscal et trois responsables de Galaxie, à savoir le gérant, le responsable commercial et le comptable, avec l’aval du propriétaire de l’hôtel, un ancien colonel des Douanes.
A la suite des investigations de la HALCIA, un rapport est transmis au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. Ce dernier ouvre alors une information judiciaire contre les sept personnes ci-dessus citées ainsi que le responsable commercial de l’hôtel Galaxie qui a tout balancé pour des faits de corruption portant sur les sommes de 3.000.000 et 5 500 000 de francs. Mais ce responsable commercial n’est pas poursuivi par le juge d’instruction conformément à l’article 134.4 du Code pénal : « Bénéficie d’une exemption de poursuite, toute personne auteure ou complice d’une ou de plusieurs infractions prévues par la présente section, qui, avant toute poursuite, révèle une information aux autorités administratives compétentes ou judiciaires et permet ainsi d’identifier les personnes mises en cause. » Quant aux agents des impôts et aux agents de Galaxie, ils sont inculpés de corruption. Seuls les agents des impôts sont placés sous mandat de dépôt le 06 février 2023.
A la barre
Dès l’entame du procès, l’on constate l’absence de l’avocat de l’Etat censé être une partie civile. Pour le parquet, il y a lieu de renvoyer le dossier à une prochaine audience afin que l’Etat puisse venir défendre ses intérêts. Mais les avocats ne sont pas de cet avis. « C’est à la barre que nous apprenons qu’il y a une partie civile dans ce dossier. Une partie civile qui ne s’est point manifestée tout au long de l’instruction. L’Etat a été pourtant régulièrement cité », ont répliqué les robes noires. Le dossier étant en état, elles ont demandé à la Chambre correctionnelle, et obtenu, de retenir le dossier. Interrogés à tour de rôle, les sept personnes mises en cause vont pour certaines reconnaître les faits à elles reprochés et d’autres les réfuter. Au cours des débats, il est ressorti que l’hôtel Galaxie prenait des libertés vis-à-vis du fisc. Ce que son propriétaire et DG semblait contester. « Si vous êtes en règle, pourquoi avez-vous accepté de donner 4 millions, puis 1,5 million à des agents des impôts », lui fait observer le président de la chambre correctionnelle qui trouve sa situation très paradoxale. Le directeur régional des impôts, lui, reconnaît avoir reçu une enveloppe de 1.000.000 de francs de la part de l’hôtel Galaxie. Il dit ignorer l’existence d’un quelconque arrangement entre ses agents et l’établissement hôtelier. Quant à l’ancien directeur régional, il a reçu un total de 3.000.000 de francs. Le chef du service de contrôle fiscal a reconnu avoir perçu une somme de 2.000.000 de francs ; il avait introduit une requête aux fins de consignation de ladite somme. L’agent vérificateur, un simple exécutant, a reçu une somme de 2.000.000 de francs, qu’il a brandi à la barre aux fins de restitution.
Pour le ministère public, les faits de corruption reprochés aux mis en cause sont bien caractérisés. Il invoque l’article 130 du Code pénal (« Est puni d’une peine d’emprisonnement de deux (2) à moins de dix (10) ans et d’une amende de cinquante mille (50 000) à un million (1 000 000) de francs : – quiconque intentionnellement promet, offre ou accorde à un agent public directement ou indirectement, un avantage indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir ou parce qu’il a accompli ou s’est abstenu d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions officielles ; – tout agent public qui sollicite ou accepte directement ou indirectement, un avantage indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir ou parce qu’il a accompli ou s’est abstenu d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions officielles ») pour demander à la Chambre correctionnelle de les déclarer tous coupables et de les condamner à 3 ans d’emprisonnement ferme et à 1.000.000 de francs d’amende chacun. Les avocats des agents des impôts vont plaider qui de larges circonstances atténuantes, qui la relaxe ou, à défaut, une peine équivalente au temps déjà passé en prison. Les trois agents de l’hôtel Galaxie, eux, n’ont pas sollicité les services d’un avocat.
Verdict
La Chambre correctionnelle a mis son jugement en délibéré pour le 5 juillet prochain. Affaire à suivre…’’