Le coup d’Etat du 26 juillet 2023, perpétré par le général de brigade Abdourahamane Tiani et ses camarades, a, certes, suspendu la loi fondamentale du pays, dissout les institutions de la République, et mis fin aux activités des partis politiques. Certes. C’est la rengaine classique après chaque irruption de la Grande Muette sur la scène politique. Rien de nouveau sous le Soleil. Il n’a jamais été question de priver de paroles les citoyens, quels qu’ils soient, en tant que tels, c’est-à-dire simples citoyens, parlant en leur nom individuel, et non du parti qu’ils dirigent, exprimant leurs opinions inaliénables sur les grandes questions en débat. Mais certains ont pris la directive, peut-être de bonne foi, peut-être par calcul, comme une interdiction formelle pour les hommes politiques de s’exprimer publiquement. Ce qui serait absurde, puisque les nouveaux venus avaient ardemment besoin de soutiens multiformes pour faire face à la bourrasque soulevée par leur intrusion au sommet de l’État.
Si un Hama Amadou, par exemple, peut déclarer, sereinement, qu’il soutient les efforts du CNSP ( Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie), il ne le dit pas au nom du Modem FA-Loumana, mais en son nom propre, comme pourrait le faire, un Seyni Oumarou, un Albadé Abouba, ou un Mahamane Ousmane. Il faut reconnaître que c’est plus commode de se réfugier derrière une supposée interdiction que de risquer d’être en porte-à-faux avec l’opinion de la majorité de ses partisans. Sortir de sa zone de confort, n’a jamais enthousiasmé un politicien. Enfin disons d’une façon générale. La solution de facilité, en somme. Passons !
Les leaders d’opinion
Ailleurs qu’au Niger, les gens parlent. Qu’ils soient leaders d’opinion, religieux, journalistes, artistes, paysans, ouvriers, et même politiciens, chacun sait qu’il a droit à la parole, à condition de ne pas s’appuyer sur une structure, nommément ciblée, par les prétoriens, en l’occurrence le parti politique. Certains s’érigent en donneur de leçons, même en directeurs de conscience, surtout, au plan religieux, comme Mahmoud Dicko, au Mali. Ici, au Niger, toute une génération a grandi, en écoutant, nuit et jour les voix souvent divergentes, quelques fois, convergentes, des leaders tels que Mahamane Ousmane, Bazoum Mohamed, Issoufou Mahamadou, Hama Amadou, Tandja Mamadou, Ladan Tiana, etc., et, brusquement, c’est le black-out. Silence radio. Le peuple est interloqué. Peut-être même désorienté. Mieux, sous le coup d’une addiction, il a besoin d’entendre leurs voix, même si elles sont, pour certaines, haïssables. Simple principe de dualité pour confronter en soi, ses propres convictions. Permettre aux leaders politiques de s’exprimer ( c’est d’ailleurs officiellement le cas ) revient à ouvrir une soupape de sûreté. Le trop plein de rancune, d’amertume ou de frustration, trouve ainsi un déversoir. C’est le rôle qu’a joué pendant longtemps l’hebdomadaire satirique français ‘’ Le Canard enchaîné’’. Ceux qui sont au gouvernail, se doivent donc d’inciter nos leaders à prendre la parole, même si c’est pour les égratigner de temps en temps. Qu’ils se souviennent de César, qui a rétribué un serviteur, toujours placé à ses côtés, qui n’a qu’une seule fonction, lui murmurer à l’oreille : « tu n’es qu’un simple mortel ! » Sous-entendu, pas un Dieu omnipotent et omniscient. Ce qui évite bien des dérapages. Tout ce que l’on doit surveiller avec la plus grande suspicion, ce n’est même pas les activités des partis politiques, qui bien souvent, sont innocentes et constructives, mais, bel et bien, leurs éventuelles activités subversives. Comme par exemple, des manifestations de rue fortement encadrées pour dégénérer en émeutes. Là, pas de demi-mesure. Il faut taper. Et taper fort. En attendant, poussons-les à parler, à se démasquer. Dans l’intérêt du plus grand nombre. Y compris celui du CNSP.