Comme vous le savez, le tribunal militaire de Niamey a prononcé ce 24 février sa décision sur les événements du 31 mars 2021 sans que toutes les zones d’ombre entourant lesdits événements aient été éclaircies. Les débats ont toutefois permis aux observateurs de se faire l’idée qu’il pourrait s’agir d’un montage.
Un procès bancal
Les témoins jouent un rôle de première importance dans le déroulement d’un procès criminel. En venant raconter au juge ou au jury ce qu’ils savent à propos d’un événement, les témoins contribuent à les éclairer sur ce qui s’est passé. C’est ainsi que le commissaire du gouvernement a produit une liste de 19 témoins parmi lesquels sept soldats de la garde présidentielle et dont seuls deux seront entendus par le tribunal militaire. Les cinq autres étant en mission à l’extérieur du pays, leurs dépositions ont été lues par le tribunal. Des dépositions desquelles il est ressorti des contradictions au sujet de la réaction de la garde présidentielle face aux assaillants. Mais lorsque les avocats ont de leur côté demandé aussi l’audition de douze personnes à titre de témoins pour la manifestation de la vérité, le ministère public va s’y opposer, qualifiant cette liste des témoins de « fantaisiste ». En réalité, le commissaire du gouvernement ne voulait pas que certains officiers supérieurs et généraux soient auditionnés. Pourtant, le code de justice militaire a prévu l’audition de témoin à tout moment du procès. Le respect des principes relatifs au droit à un procès équitable a été donc ignoré.
Des prétendus coups et blessures volontaires avec arme
Outre les faits de complot et d’atteinte à la sûreté de l’Etat, la plupart des 62 personnes poursuivies dans cette affaire ont été accusées de coups et blessures volontaires avec arme. Un témoin, en l’occurrence un élément de la garde présidentielle, dira à la barre avoir été blessé par balle la nuit des événements. En réalité, il n’en est rien, il avait été blessé dans un autre incident. A la lumière des débats, l’on se rendra compte que les assaillants et la garde présidentielle ne se sont point tirés dessus. Le capitaine Gourouza, le lieutenant Morou et leurs éléments se sont mis à tirer en l’air et sur le bâtiment du Ministère des Affaires étrangères. Des balles à blanc et des roquettes non dégoupillées ont été utilisées dans l’attaque du palais présidentiel. La garde présidentielle, elle aussi, n’a pas tiré sur eux. « La garde présidentielle n’a pas répliqué à nos tirs », a déclaré à la barre l’adjudant-chef Adamou Seyni, dit Adams, condamné aujourd’hui à 20 ans de prison. La version des coups et blessures volontaires avec arme étant une invention, le tribunal a tout simplement écarté ce délit pour tous les accusés.
Qui de Gourouza et de Morou serait manipulé ?
De quoi les événements du 31 mars 2021 sont-ils le nom ? Seuls le lieutenant Morou et le capitaine Gourouza pourraient répondre à cette lourde interrogation. Tous les deux s’accusent mutuellement d’avoir été manipulés. Ils se rejettent la responsabilité de l’échec de la tentative du coup d’Etat du 31 mars 2021, en s’accusant de trahison. Gourouza croit savoir que Morou n’aurait pas joué franc jeu dans cette affaire dès le départ. Il l’accuse d’être au service de la DGDSE (service de renseignement dirigé à l’époque des faits par le général Laouel Chékou Koré) et d’être en contact avec le président Issoufou Mahamadou. Morou accuse de son côté le capitaine Gourouza d’avoir fait saboter la tentative de coup d’Etat. Il en veut pour preuve les balles à blanc et les roquettes non dégoupillées utilisées dans l’attaque du palais présidentiel, et ce sur instruction de Gourouza. Quoi qu’il en soit, les deux jeunes officiers doivent la vérité aux Nigériens et surtout à leurs frères d’armes embarqués dans cette aventure de mauvais goût.