Le contenu de la déclaration rendue publique par le syndicat des juges lors de sa sortie médiatique de ce mardi 14 novembre 2023 n’a pas répondu aux attentes des Nigériens. Alors là, pas du tout ! Le Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN), qui dit avoir ‘’suivi avec intérêt, depuis les événements du 26 juillet 2023, l’intensité et la charge des débats sur l’institution judiciaire dont les principaux acteurs [à savoir les magistrats] sont à tort ou à raison taxés d’être inféodés au pouvoir exécutif’’ s’est juste contenté de ressasser les mêmes complaintes qu’il a toujours servies à l’opinion pour justifier les faiblesses de l’appareil judiciaire.
Lesquels obstacles sont, selon le SAMAN, d’ordres juridiques et institutionnels et se traduisent par ‘’l’absence d’un Conseil supérieur de la magistrature véritablement autonome, la subordination des magistrats du parquet au pouvoir Exécutif et les privilèges et avantages accordés aux membres du gouvernement et de l’Assemblée nationale’’.
Ce sont les principaux facteurs entravant le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire connus et dénoncés ouvertement de tout temps par les Nigériens, qui aspirent à une justice véritablement indépendante. C’est pour dire au syndicat des juges que ces réalités ne sont pas du tout ignorées par les citoyens dans les critiques formulées à l’encontre de l’appareil judiciaire, qui l’accusent à raison d’être ‘’inféodé’’ à l’Exécutif. Dans un système démocratique, nous l’avons toujours dit et défendu, le principal pilier -avant l’Exécutif et le Législatif- c’est le pouvoir judiciaire. C’est lui le gardien en chef du temple, qui doit veiller au strict respect des lois de la République par les animateurs des autres institutions pour un fonctionnement harmonieux de l’Etat de droit.
Le Conseil supérieur de la magistrature est convoqué et dirigé par le chef suprême de l’Exécutif ; le parquet est de tout temps resté inféodé à la Chancellerie qui est un organe de l’Exécutif ; les privilèges de juridiction et avantages accordés aux membres du gouvernement et aux parlementaires continuent d’être reconduits. Toutes ces pratiques aberrantes consacrées par des textes de lois ont survécu aux régimes successifs, depuis du début du processus démocratique dans notre pays à ce jour. Si elles ont su résister au temps, c’est parce que tout simplement elles font certainement l’affaire des juges qui ne se donnent pas les moyens pour y mettre fin.
Se contenter de prendre acte d’une profession de foi d’un président de la République ou chef d’Etat qui promet de renforcer les textes régissant son bon fonctionnement ou de ne pas s’immiscer dans le travail de l’appareil judiciaire, c’est se bercer d’illusions. ‘’Pour asseoir une justice véritablement indépendante, jouant pleinement son rôle dans la construction de l’Etat de droit et conforme aux aspirations du peuple nigérien, des réformes ardues et courageuses doivent être urgemment engagées’’, a rappelé le SAMAN au CNSP.
Il s’agit notamment ‘’de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, organe important dans la gestion de la carrière des magistrats ; celle du statut des magistrats du parquet en vue de les rendre plus indépendants du pouvoir exécutif ; de l’adoption d’un plan de carrière définissant des règles objectifs de nomination et de promotion des magistrats’’, a énuméré le Syndicat.
A ces points viennent s’ajouter la demande de suppression des privilèges de juridiction et immunités accordés aux membres du gouvernement et aux parlementaires et la dotation des juridictions en moyens conséquents pour leur bon fonctionnement. Tous ces handicaps à l’instauration d’une justice saine sont connus de l’Exécutif qui ne lèvera pas le petit doigt pour y remédier d’autant plus que ce contrôle qu’il exerce sur l’appareil judiciaire l’arrange. Seule une pression soutenue du SAMAN, à travers des actions pacifiques de lutte, peut le contraindre à revoir sa copie pour satisfaire ses doléances. Mais le constat et la dénonciation ne suffisent pas pour changer la donne.
Lorsque le Syndicat se contente juste de constater et dénoncer le recours du CNSP et du gouvernement de transition à des officines occultes, à l’origine des ‘’incohérences et irrégularités relevées lors des affectations et nominations des magistrats du 10 octobre 2023’’, est-ce que cela peut suffire pour les amener à revoir leur copie ? Non !
D’autant plus que la perpétuation de ces ‘’incohérences et irrégularités’’ figurent parmi les principales causes des maux qui minent notre système judiciaire, le SAMAN doit se donner les moyens d’y mettre fin. C’est à lui d’engager le bras de fer qui sied avec les autorités. Les Nigériens le soutiendront pour remporter la victoire.
Et le contexte est aujourd’hui favorable, parce que nous sommes dans une nouvelle ère de transition militaire, période où les grandes avancées en matière de renforcement des textes régissant le fonctionnement des institutions sont généralement acquises facilement.