Prétextant des difficultés financières pour faire face à ses charges de fonctionnement, la Société des Mines du Liptako(SML-Samira) a procédé à la mise en chômage technique de plus de la moitié de ses agents pour une période de deux (2) mois, allant du 1er décembre 2023 au 31 janvier 2024.
La durée du chômage technique arrivant à terme, la société aurifère [l’unique à exploiter industriellement l’or dans notre pays dans des conditions totalement opaques] a tenté maladroitement de prolonger le délai d’un mois supplémentaire.
Les agents de la société en cessation de travail depuis deux mois, qui ne percevaient plus que 60% de leurs salaires durant cette période, ont dit niet au motif que l’employeur n’a pas respecté les dispositions prévues par les articles 74 et 75 du code nigérien du travail relativement à cette rallonge.
Pour les deux premiers mois de chômage technique, ils ont reçu notification 15 jours avant l’entrée en vigueur de la décision, à la suite d’une réunion en présence d’un inspecteur de travail. Une obligation que la société n’a hélas pas respectée lorsqu’elle a décidé d’étendre sa décision au mois de février.
‘’C’est le 27 janvier seulement, au moment où nous apprêtions à reprendre le travail après deux mois de précarité, qu’on nous a signifié que la durée du chômage technique est prolongée jusqu’en février’’, ont dénoncé des agents de la SML affectés par la douloureuse mesure.
A l’issue d’une réunion tenue récemment entre la direction générale de la SML et les délégués des travailleurs, en présence de l’inspecteur de travail, la société a reconnu l’irrégularité de sa démarche et a décidé de reporter la prolongation du chômage technique des agents en mars prochain pour se conformer au préavis de la législation.
Laquelle législation stipule que ‘’la mise en chômage technique ne peut être imposée au salarié, en une ou plusieurs fois, pendant plus de trois (3) mois de travail au cours d’une même période de douze (12) mois. Passé le délai de trois (3) mois de travail, le salarié a la faculté de se considérer comme licencié’’.
Quel sort leur sera-t-il réservé après les trois mois de chômage technique ? Difficile de le prédire ! La seule certitude, c’est que le traitement dont sont victimes les travailleurs -particulièrement nigériens- de la SML-Samira est exécrable.
La misère des employés
Contrôlée depuis 2019 par une australo-burkinabè du nom d’Angela avec 80% des parts dans le capital, la société fonctionne dans une opacité déconcertante, installant ses travailleurs dans des conditions de travail de plus en plus précaires sous le fallacieux prétexte d’être confrontée à des difficultés financières inextricables. C’est cet argument qui a été brandi pour légitimer la mise en chômage technique prolongé de plus de la moitié des agents.
Etrangement, dans le même temps, l’on apprend que la direction générale de la SML a établi deux listes dans les effectifs des agents en chômage qu’elle a fait travailler successivement en décembre et en janvier mais qui n’auraient pas bénéficié d’un traitement salarial normal.
Comment peut-on faire recours à des agents mis en chômage technique pour cause d’austérité financière pour les exploiter dans la même période lorsqu’on éprouve véritablement des difficultés de trésorerie ? Concernant les conditions de vie et de travail sur le site minier à Samira, les agents dénoncent, pêle-mêle, un manque de logements décents, le non accès à l’eau potable, un manque de moyens de transport, etc.
‘’Seuls les cadres ont une cité base-vie. Les travailleurs, eux, vivent dans des habitats de fortune dans les villages environnants et certains pas très loin de l’usine avec les risques sanitaires que cela comporte à cause des produits toxiques utilisés dans le traitement du minerai’’, raconte le porte-parole des agents rencontrés. La promesse faite, depuis 2022, par la direction générale de la société de leur construire une cité dortoirs, juste à côté de celle des cadres qui est gardée par un dispositif sécuritaire, n’a pas encore connu un début de mise en œuvre.
Plus préoccupant encore à leurs yeux, c’est la question de la sécurité sociale et de l’assurance vie dont ils sont censés être dotés mais qui suscitent chez eux des doutes. ‘’De 2019 à aujourd’hui, la société nous prélève la cotisation sociale sur le salaire mensuel mais nous doutons si c’est réellement versé à la caisse’’, s’inquiète-t-il, soulevant aussi la problématique de l’assurance vie qui serait contractée au Mali, pour des travailleurs opérant au Niger. ‘’Nous avons demandé qu’on ramène cette police d’assurance au Niger mais la SML fait la sourde oreille, nous ne savons pourquoi’’, s’étonne-t-il.
La SML-Samira étant implantée en plein cœur d’une zone d’insécurité terroriste, plusieurs employés ont trouvé la mort dans des incidents sécuritaires ces dernières années, d’après lui.
‘’Le dernier cas en date est consécutif à l’attaque du site vers la fin de l’année dernière où un obus tiré par les assaillants a tué un de nos collègues se trouvant dans l’usine de traitement. Jusqu’ici, sa famille n’a pas été dédommagée’’, déplore le porte-parole.
‘’Récemment encore, en début janvier 2024, le camion d’un autre collègue a sauté sur une mine artisanale. Fort heureusement, il n’est pas mort’’, se réjouit-il. Durant cette transition, il est impératif pour les autorités de fouiner dans l’exploitation du site aurifère de la SML dont l’usage des retombées au profit du pays demeurent encore un mystère pour les populations.