Aussitôt rentré à Niamey dans la nuit du jeudi 4 janvier 2024, l’ancien ministre de l’Energie, en exil depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023 ayant renversé le président Bazoum Mohamed, a été cueilli au pied de la passerelle de l’avion par des éléments de la gendarmerie rattachés à la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) et soumis à un interrogatoire dans les locaux du service de renseignements sécuritaire de l’Etat.
Ibrahim Yacoubou, président du Mouvement patriotique nigérien (MPN – Kiishin Kassa) a décidé de rentrer au bercail, après cinq (5) mois d’exil, sur la base d’un laissez-passer délivré le même jour par l’Ambassadeur du Niger à Rabat (Maroc). Allié du régime déchu du PNDS-Tarayya, le ministre Yacoubou était en mission de travail à l’étranger lorsque le coup d’Etat militaire du CNSP est intervenu. Que de rentrer au pays pour se mettre à la disposition des nouvelles autorités, il a préféré rester à l’étranger pour se livrer à des écrits subversifs sur les réseaux sociaux contre la junte militaire, exigeant la libération et le rétablissement sans condition du président déchu Bazoum Mohamed dans ses fonctions.
Aussitôt après son audition, Ibrahim Yacoubou est placé sous mandat de dépôt, vendredi 5 janvier, à la maison d’arrêt de Niamey. La procédure n’a pas duré et l’on devine aisément la raison. Son nom figure sur la longue liste des anciens dignitaires et collaborateurs du régime déchu visés par un avis de recherche policière émis par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l’organe politique de la junte militaire. Son arrestation est amplement motivée par cet avis de recherche. Même si pour l’heure, l’on ne sait pas encore précisément les griefs qui lui sont reprochés.
En attendant la fin de l’instruction judiciaire et le procès qui permettront de connaître les raisons précises de son arrestation, les supputations au sein de l’opinion tournent autour de la décision qu’il a prise de rentrer au bercail que certains qualifient d’ailleurs d’acte de bravoure. Est-ce véritablement cela ? A-t-il entrepris de revenir au pays pour affronter la justice, sachant pertinemment qu’il est activement recherché par les autorités militaires, sans s’entourer d’un minimum de garanties ?
Si tel est le cas, cela implique que la vie d’exilé politique est devenue intenable pour lui soit par manque de ressources financières lui permettant de tenir longtemps à l’étranger soit à cause de la nostalgie du pays et des proches parents et amis. L’adage populaire ne dit-il pas qu’on n’est nulle part heureux comme chez soi ? Ibrahim Yacouba a préféré écourter son exil à l’étranger pour affronter momentanément la prison, avec comme bémol la possibilité de contact direct avec sa famille et ses connaissances. Plus d’une vingtaine d’anciens dignitaires et proches collaborateurs du régime déchu sont concernés par l’avis de recherche.
Outre Ibrahim Yacoubou, au nombre de ceux-ci figurent l’ancien Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hassoumi Massoudou, l’ancien ministre du Commerce Alkache Alhada, ainsi que l’ancienne ministre de l’Industrie SalamatouGourouza Magagi, l’ancien ministre sans portefeuille à la présidence Rhissa Ag Boula, l’ancienne ambassadrice du Niger à Paris Aïchatou Boulama Kané, pour ne citer que ceux-là. Dans l’avis de recherche, ils sont tous accusés ‘’d’implication dans une affaire de trahison et complot ayant pour but de porter atteinte à la sûreté et à l’autorité de l’Etat’’, à la suite du coup de force du 26 juillet 2023, qui a renversé leur régime. Le président du MPN Kiishin Kassa a ouvert le bal en mettant fin à son exil pour se livrer aux nouvelles autorités.
Qui sera le prochain fugitif à lui emboîter le pas ? Pour sûr, il leur est désormais difficile de vivre longtemps en exil, ne bénéficiant plus de la considération et des privilèges qui leurs étaient accordés avant la reconnaissance officielle de la junte militaire par la communauté internationale.
Et rentrer au bercail, c’est inévitablement connaître le même sort réservé à Ibrahim Yacoubou, c’est-à-dire, la case prison une fois le sol nigérien foulé. A moins évidemment que les autorités de la transition fassent droit à cette exigence farfelue de la CEDEAO, qui entend négocier le retour de tous les fugitifs en toute impunité malgré la gravité des actes qu’ils ont eu à poser contre le pays. Un deal qui ne saurait être accepté, au risque pour le CNSP et le gouvernement de susciter le courroux des populations qui les soutiennent et qui aspirent aujourd’hui à une véritable justice sociale.