Toutes les formations politiques de notre pays ont été créées selon la formule du ‘’père fondateur’’ autour duquel s’agrègent des affinités plus ou moins régionalistes. Mais quelques fois sur des convictions fondamentales politiques. Ce dernier volet était probant surtout avant nos indépendances factices des années 1960. Et depuis lors, revêtus d’un boubou, peut-être trop grand, peut-être trop petit, en tout cas mal ajusté à nos us et coutumes, nous avons pris pour repère crédible et directeur de conscience le créateur et père du parti auquel nous adhérons. Le PNDS-Tarayya, né le 23 décembre 1990 n’échappe pas à cette règle d’airain.
Il doit son éclosion et sa croissance à un seul deus ex machina, Issoufou Mahamadou, ingénieur de son état à la Somair dans les années 1980, bénéficiant d’un pactole pour son PAIPCE (Programme d’Aide à l’Initiative Privée et à la Création d’Emploi) qui lui a permis la mise en place, dans des bonnes conditions, de sa structure politique. Dès le départ, celle-ci s’est imposée dans le paysage comme le parti des ‘’intellectuels’’, et, paradoxalement aussi, la formation dans laquelle régnait une discipline de fer. Certaines personnalités comme Adji Kirgam, Sabo Seydou ou Maître Soulèye Oumarou en ont fait les frais, en élevant seulement des critiques jugées inopportunes. A la suite de la Conférence Nationale, en juillet 1991, le PNDS-Tarayya, le CDS-Rahama et l’ANDP-Zaman Lahiya, les trois principaux fers de lance de l’AFC (Alliance des Forces du Changement), ont conquis le pouvoir face à un MNSD déliquescent de Tandja Mahamadou et Hama Amadou. Ces nouveaux-arrivants auraient pu garder le pouvoir durant 30 ans d’affilé n’eut été la défection surprise du PNDS-Tarayya suite à une provocation du CDS-Rahama qui voulait rattacher tous les marchés publics à la présidence de la République (exercée par Mahamane Ousmane) au détriment de la Primature (Mahamadou Issoufou).
L’équation Issoufou Mahamadou
Le danger d’un père fondateur, pour une entité politique, c’est la dérive lente mais inéluctable vers une forme d’autocratisme. Le père fondateur omniscient, omnipotent et omniprésent. De ce fait, il a en charge tous les problèmes protéiformes de la formation politique. Et cela va des ordonnances des médicaments, aux mariages et aux baptêmes des militants, sans parler des postes juteux sur lesquels lorgnent les plus proches du président. Issoufou Mahamadou a dirigé de façon très patrimoniale sa formation, en prenant garde à ne pas trop s’éloigner de l’esprit de ses textes fondamentaux. Certes, le choix du concept socialisme répond plus à de l’opportunisme dû au fait que François Mitterrand était président de la République française et socialiste qu’à des réelles préoccupations sociales. Mais le fait de proposer Mohamed Bazoum comme son successeur, est une obligation des textes du parti, qui imposent de choisir le vice-président en titre, comme successeur du président appelé à une autre fonction. Il est vrai, qu’il aurait mieux valu ne pas faire du forcing quand la nationalité du candidat PNDS-Tarayya à la magistrature suprême a posé un problème, qui n’est pas encore résolu, à ce jour. Et qui, surtout, a posé un point de divergence entre militants, à l’intérieur même du parti. Le fossé creusé a pris des proportions abyssales avant et après le coup d’Etat du 26 juillet 2023 du général Abdourahamane Tiani et de ses compagnons.
Peut-on encore récoler les morceaux ?
Ceux qui s’imaginent que Mahamdaou Issoufou a son doigt dans l’engrenage pathétique du coup de force de Tiani sont encore trop tendus pour qu’on puisse attendre d’eux une posture avenante. A moyen et court terme, cela semble impossible, malgré toutes les bonnes volontés qui s’y emploient. A bien y regarder, la cassure n’a pas produit que deux clans. Il semble qu’il y ait une situation multipolaire dans laquelle très peu de gens s’y retrouvent. Clan Issoufou, clan Bazoum, clan Massoudou, clan Ouhoumoudou, clan Aichatou Boulama, etc., chacun avec ses échelles des priorités et des points arrêtés non négociables. S’il devait y avoir regroupement un jour, ce ne serait qu’autour du réputé père fondateur. Ou alors la situation restera bloquée et demeurera improductive. Malheureusement, c’est cette tendance qui semble la plus probable. Ce, d’autant plus que le père fondateur est sous la menace d’une épée de Damoclès parricide. Arme brandie par les boutefeux du CNSP et aussi une rue qui émet des grognements sourds mais parfaitement audibles.