La Cour de justice de la CEDEAO a rendu son verdict ce mardi 31 mai 2022 dans le contentieux électoral opposant Mahamane Ousmane à Mohamed Bazoum. Elle a débouté Ousmane, qui revendiquait la victoire à l’issue du 2e tour de l’élection présidentielle de 2021. A partir de cette décision, à quoi doit-on s’attendre logiquement désormais ?
Dr. Souley Adji : La suite logique serait que Mahamane Ousmane fasse appel de la décision, s’il y a bien évidemment une autre juridiction supérieure à celle d’Abuja. Mais quelle que soit la juridiction supérieure à laquelle Mahamane Ousmane se référerait, c’est aujourd’hui un peu difficile, dans la mesure où la décision prononcée par la Cour de la CEDEAO revêt à mon sens un caractère surtout philosophique et politique. Elle a jugé utile de ne pas empirer la situation au Sahel, qui actuellement est déchiré par des phénomènes de violence liés au terrorisme et d’instabilité politique. Au Mali, en Guinée Conakry, au Burkina Faso, ce sont des militaires qui sont présentement au pouvoir et qui trainent les pieds pour organiser des élections démocratiques. Dans ce contexte, un verdict favorable à Ousmane risquerait d’ouvrir la boîte de Pandore au Niger aussi. Je pense que cela a dû certainement peser dans la balance, le Niger étant l’un des rares pays sahéliens où règne actuellement une relative stabilité politique. Il ne faut pas envenimer la situation d’autant que le Niger est déjà confronté à une grave crise sécuritaire qui affecte durement les populations. C’est le cas aussi au Mali, au Burkina Faso, etc. L’enjeu majeur aujourd’hui pour la communauté internationale, c’est surtout la restauration de la paix, la sécurité et la stabilité du Sahel. Donc ajouter un problème électoral dans ce contexte-là serait vraiment être dans une posture de déstabilisation des actions de lutte contre le terrorisme. Je pense donc que c’est une décision plus politique que judiciaire que la Cour de la CEDEAO a eu à prendre pour fermer le dossier et s’occuper des questions majeures notamment la sécurité et la stabilité au Sahel.
Cette décision de la Cour ne va-t-elle pas contribuer à fragiliser davantage l’opposition politique ?
L’opposition est déjà fragilisée avec le départ de certains de ses membres pour rejoindre le camp du pouvoir qu’ils pourfendaient. Avec cette décision de la Cour qui tranche le contentieux électoral, il n’est pas exclu que d’autres en fassent autant avec le temps.
Le président Bazoum peut-il se targuer de disposer désormais d’une certaine légitimité ?
Il est déjà un chef d’Etat qui participe aux différents sommets et réunions à l’international au nom du pays pour prendre des engagements. Cette décision de la Cour le ragaillardit bien évidemment. Ça donne plus du poids à ses actions futures. Il va désormais chercher à faire en sorte qu’il ne soit plus perçu comme le président d’un camp, mais l’ensemble des Nigériens nonobstant les clivages, donc transcender toutes les considérations, ne pas montrer que c’est une victoire pour lui, mais montrer que c’est un différend normal dans la vie politique d’un pays. Il doit s’élever au-dessus de toutes considérations partisanes et mener la lutte pour des enjeux majeurs que sont notamment la sécurité dans le Sahel.