Depuis sa création en 2010, la Centrale d’Approvisionnement en Intrants et Matériels Agricoles (CAIMA) était la structure publique régulatrice du marché des engrais au Niger. Les principaux produits que la CAIMA mettait à la disposition de la population rurale, dans le but de l’aider à la réalisation de meilleurs rendements agricoles, sont les engrais, les matériels agricoles et les produits phytosanitaires. Grâce à l’État du Niger et aux appuis des partenaires techniques et financiers, ces engrais étaient subventionnés à hauteur de 50%. C’est ainsi que les sacs d’engrais de 50 kg (NPK, Urée, DAP) achetés en moyenne à 27.000 F CFA par la CAIMA étaient cédés aux producteurs à 13.500 F CFA.
Quant au tracteur JIMNA 80 CV, payé à 20.000.000 de F CFA, il est vendu à 10.900.000 F CFA. Cet accompagnement des producteurs allait dans le sens du développement de l’agriculture nationale. La CAIMA était un succès et des pays amis venaient s’en inspirer. Mais la machine finit par se gripper, des individus véreux, mus par des intérêts égoïstes, s’étant accaparés de la poule aux œufs d’or que constituait l’importation et la vente des engrais.
Un apatride en scène
En début d’année 2016, l’État du Niger négocie le financement de plusieurs projets de développement avec le Millenium Challenge Corporation qui est une agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis ayant pour mission la réduction de la pauvreté dans le monde, à travers la croissance économique. Créé en 2004, le MCC accorde des subventions et une assistance d’une durée déterminée aux pays en voie de développement qui répondent à des standards rigoureux de bonne gouvernance, aussi bien dans la lutte contre la corruption que dans le respect des droits de l’Homme. Au cours d’une des nombreuses discussions entre les deux parties, un responsable de la CAIMA présente celle-ci comme une institution qui favorise la corruption et n’aurait qu’un ou deux fournisseurs depuis de longues années. Le partenaire américain en profite pour imposer ses conditions, non négociables : la dissolution de la CAIMA ou son retrait du marché des engrais. La seconde option est finalement choisie.
La réforme du secteur des engrais
Cette réforme consiste à libéraliser la commercialisation de l’engrais qui était par le passé subventionné par l’État. Un plan de réforme est adopté par décret n° 2018-046/PRN/MAG/EL pris en Conseil des Ministres le 12 janvier 2018. Cette réforme vise à fournir des engrais de qualité, en quantité suffisante et à des prix accessibles sur l’ensemble du territoire national. Deux ans plus tard, le décret n° 2020-719/PRN/MAG/EL du 16 septembre 2020 retirait à la CAIMA la vente directe des engrais et des produits phytosanitaires. La CAIMA, avec un fonds de roulement mis à sa disposition, ne doit vendre ses produits qu’aux distributeurs grossistes qui devront à leur tour vendre aux producteurs à des prix fixés par arrêté du Ministère en charge de l’Agriculture. Pendant que l’espoir des paysans était douché, ils voyaient en la CAIMA un bel outil de développement avec des engrais à un prix modéré et disponible partout, des opérateurs économiques proches des hommes politiques au pouvoir, eux, se frottaient les mains, sûrs de tenir une bonne affaire de gros sous. Mais les résultats escomptés de cette réforme des engrais ne seront pas au rendez-vous. A suivre…