Le prestigieux rendez-vous des Nations unies à New York, toujours attendu, prend cette année une dimension particulière. Le mardi 19 septembre 2023, alors que les débats devaient s’ouvrir dans une atmosphère de coopération et d’unité, une bataille sous-marine, à la fois politique et diplomatique, s’est engagée entre deux entités revendiquant la représentation officielle du Niger.
L’ONU face à un dilemme sensible
Le malaise est palpable. Le CNSP, la junte actuellement au pouvoir à Niamey, et l’entourage du président déchu Mohamed Bazoum, s’affrontent violemment sur la question de qui devrait représenter le Niger à cet événement mondial. Cette querelle, loin d’être anodine, met en lumière les tensions politiques internes du pays, et par extension, les défis diplomatiques que doivent affronter les Nations unies.
Mohamed Bazoum, toujours soutenu par l’ONU en tant que président légitime du Niger, en dépit du coup d’État, souhaite mandater son représentant, Alkache Alhada, ancien ministre du Commerce, pour prendre la parole au nom du Niger.
Un champ de bataille diplomatique
Cependant, le CNSP ne s’avoue pas vaincu. Ayant essuyé un refus concernant la participation à l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) du Premier ministre, Ali Lamine Zeine, la junte a alors joué la carte du ministre des Affaires Etrangères, Bakary Yaou Sangaré, Représentant permanent du Niger auprès des Nations unies et bénéficiant d’un visa diplomatique. A ce titre, il pourrait théoriquement prendre la parole à la tribune des Nations Unies. Toutefois, il ne le ferait pas en tant que ministre, mais en tant qu’ambassadeur, ce qui le reléguerait parmi les derniers orateurs, conformément au protocole.
La tension monte encore d’un cran lorsque Hassoumi Massaoudou, ancien ministre des Affaires Etrangères du régime déchu, en séjour à Abidjan, informé de la situation, a annoncé par courrier adressé au cabinet d’Antonio Guterres (SG de l’ONU), son intention de démettre Sangaré de ses fonctions de représentant permanent du Niger aux Nations Unies.
Entre interventions et statu quo
Les partisans de Bazoum ne sont pas en reste. Ils ont tenté, sans succès, de convaincre les autorités américaines de révoquer le visa diplomatique de Sangaré, sans succès pour l’instant. Leur objectif reste clair : permettre à Alkache Alhada, ancien ministre du Commerce, de s’adresser à l’AGNU au nom du Niger.
Dans ce contexte tumultueux, Antonio Guterres se trouve dans une position délicate, ne disposant pas d’une autorité exécutive suffisante pour arbitrer ce conflit diplomatique. En effet, l’ONU possède une commission interne de révision, seule habilitée à trancher dans de telles situations en collaboration avec le président de l’AGNU. Cependant, les rencontres de cette commission sont généralement annuelles, le prochain rendez-vous étant prévu pour novembre prochain. Bien que la possibilité d’une réunion exceptionnelle ait été évoquée pour se prononcer sur le cas du Niger, elle a été mise de côté, notamment sous la pression de Washington.
Le résultat de ce bras de fer diplomatique est encore incertain. Dans cette atmosphère tendue, il est tout à fait possible que le Niger reste sans voix lors de cette AGNU, c’est-à-dire, que ni le ministre des Affaires Etrangères Bakary Yaou Sangaré, ni Alkache Alhada ne soient autorisés à prendre la parole à la Tribune des Nations Unies. Une situation qui serait sans précédent et qui serait perçu par beaucoup de Nigériens comme une victoire du clan Bazoum et un échec retentissant pour le CNSP. L’issue des prochains jours déterminera quel visage du Niger sera exposé au monde, ou si notre pays se verra tragiquement réduit au silence à l’ONU.
La Rédaction