Orano, le géant du nucléaire civil français, est en terrain totalement conquis au Niger sous ce règne des Renaissants. Sinon comment comprendre les reports successifs de la mise en exploitation du méga-gisement uranifère d’Imouraren (près de 5.000 tonnes/an) depuis pratiquement 2012 par cette société, qui a perdu son monopole exclusif sur le minerai à partir de la décennie 2000 ?
Le permis d’exploitation du gisement d’Imouraren a été octroyé à Orano – à l’époque dénommée Areva – en 2009 pour la production des premiers tonnages en 2012. C’était une exigence forte du regretté président Mamadou Tandja dont le régime avait contraint, on se rappelle, la société française à revaloriser le prix du kg d’uranium mais aussi de concéder à notre pays sa part de la production qu’il pourra lui-même vendre sur le marché. Après le coup d’Etat militaire de février 2010 qui a renversé son régime, la donne a changé avec l’avènement de la Renaissance dirigée par le président Issoufou Mahamadou.
Tous les acquis arrachés par l’ancien régime dans le cadre du contrat de partenariat avec Orano sont compromis, à l’occasion de négociations secrètes (minutes de discussions) et officielles (renouvellement des contrats d’exploitation des différentes mines) par le régime Issoufou. C’est ainsi que la mise en valeur du gisement d’Imouraren a été repoussée jusqu’en 2017-2020 mais conditionnée par une reprise éventuelle du cours du minerai sur le marché international avec la bénédiction de Niamey, qui a obtenu en contrepartie une compensation financière de 17 milliards de francs destinés à l’achat du nouvel avion présidentiel.
A l’issue des négociations pour le renouvellement des conventions de la Somaïr et la Cominak en 2012-2013, le Niger a obtenu 100 millions d’euros de la société pour la signature du nouveau contrat, rappelle-t-on. Indépendamment du fonds dédié à des investissements locaux promis par la compagnie.
La signature du nouvel ‘’accord global de partenariat’’ intervenue le 4 mai 2023 entre l’Etat du Niger représenté par Ousseini Hadizatou Yacouba et Ahmat Djidoud (respectivement ministres des Mines et des Finances) et la société Orano représenté par le président de sa filiale Orano Mining Nicolas Maes a, elle, permis d’obtenir de la société 85 millions d’euros, soit une baisse de 15 millions d’euros. En outre, la société s’est aussi engagée ‘’à donner 40 millions d’euros sur la période 2022-2030 à travers des projets relatifs au développement de compétences (construction d’une école, renforcement de capacité de l’administration des mines d’Agadez’’).
Mais également à abandonner la créance de la filiale Orano expansion d’un peu plus d’un milliard d’euros sur la jointe venture Imouraren détenue par Orano (66,65% des parts) et la société du patrimoine des mines du Niger (Sopamin) à hauteur de 33,35%’’.
Du fait de cette régression significative du volume du financement, le nouvel accord global de partenariat 2022-2030 dont la signature est intervenue au moment où une vive polémique sur le versement présumé de rétro-commissions à l’ancien président Issoufou Mahamadou dans une affaire vente secrète de 2.500 tonnes d’uranium nigérien faisait rage, est perçu par les analystes avisés comme un cadeau fait par l’Etat nigérien à Orano. D’aucuns l’ont qualifié d’arnaque, mais une arnaque qui est tout de même voulue et entretenue par l’Exécutif, qui s’est érigé en véritable défenseur des intérêts du groupe français depuis 2011.
La face choquante de l’arnaque
Comme nous l’avions mentionné ci-haut, les premières tonnes d’uranium du gisement d’Imouraren devraient être sur le marché en 2012-2013, conformément au permis d’exploitation accordé à la société en 2009 selon un mode d’extraction du minerai précisé dans les documents. La mise en valeur du gisement a été reportée par Orano à l’orée 2017-2020.
Dans le nouvel accord global de partenariat, Africa Intelligence (A.I) nous apprend qu’Orano a renoncé au permis d’exploitation du gisement d’Imouraren qu’elle détenait depuis 2009 pour déposer une nouvelle demande de permis de recherche sur le même site.
Ce qui signifie clairement que la société a délibérément bloqué l’exploitation du gisement pendant plus d’une décennie au motif que la dégringolade continue du prix du produit sur le marché international compromet sa rentabilité. Selon A.I, le subterfuge trouvé par Orano pour parvenir à ses fins est de ‘’déposer concomitamment une demande de permis de recherche’’ portant sur ‘’des études de faisabilité sur la technique de ‘’récupération in situ’’, moins coûteuse que l’extraction traditionnelle’’ qu’elle mène depuis 2020 au niveau du périmètre.
‘’Ce qui n’est pas conforme au permis d’exploitation obtenu en 2009. Orano revient donc à la case départ, repoussant indéfiniment l’exploitation du site qui débuter en 2027’’, souligne Africa Intelligence.
Il s’agit là du énième report de la mise en exploitation de ce méga-gisement uranifère, qui permettrait à notre pays d’accroître significativement ses recettes budgétaires issues des industries extractives. Cela est-il possible si Niamey n’est pas consentante ? Non !
C’est pourquoi nous ne partageons l’affirmation de A.I qui soutient que ‘’Niamey n’a cessé de mettre la pression sur l’entreprise française [à l’époque dirigée par Philippe Knoche] durant la dernière décennie pour qu’elle démarre l’exploitation du site d’Imouraren’’.
Comment ce régime peut-il avoir cette audace alors qu’il n’a pas été en mesure de rétrocéder le gisement d’uranium à ‘China National Nuclear Corp’, présente au Niger depuis 2011, alors que ladite société a eu à faire des offensives infructueuses dans ce sens auprès de la ministre des Mines Ousseini Hadizatou Yacouba ?
En fait, Orano a verrouillé l’accès au gisement à d’éventuels repreneurs au moment du dépôt de sa demande de permis de recherche, en y introduisant une clause de renouvellement tous les trois mois.
Ce n’est pas imaginable par Niamey lorsqu’on voit le zèle débordant avec lequel les plus hautes autorités du pays s’approprient le même narratif mensonger d’Orano consistant à soutenir que l’uranium a cessé d’être un minerai rentable pour que les Nigériens continuent d’en faire une fixation.
Cette mainmise d’Orano sur le gisement d’Imouraren lève un nouveau coin de voile sur l’opacité déconcertante qui entoure l’exploitation de l’uranium nigérien depuis l’avènement du régime de la Renaissance au pouvoir’’.