Fin des privilèges pour la China National Petroleum Corporation (CNPC) au Niger ? Se voulant farouches défenseurs des intérêts nationaux, le président de la République et le ministre du Pétrole s’évertuent à ramener le partenaire chinois dans les clous. Le bras-de-fer continue.
Un partenaire chouchouté
Durant ses deux mandats, Issoufou Mahamadou n’a cessé de cadeauter la China National Petroleum Corporation (CNPC). Débutée en 2011, l’exploitation de l’or noir a plus profité à Pékin qu’à Niamey. C’est du moins le sentiment dominant au sein de l’opinion publique nigérienne. En procédant au lancement des travaux du pipeline Agadem-Semè le 17 septembre 2019 à Koulélé (Diffa), Issoufou Mahamadou a dit : « ⌠…⌡il s’agit d’un moment historique parce c’est le projet le plus grand de l’histoire du Niger depuis l’indépendance ⌠…⌡ avec un investissement de près de 4 milliards de dollars US entre 2019 et 2021 ». Comme pour rassurer les Nigériens, Foumakoye Gado, ministre du Pétrole à l’époque, a laissé entendre : « Il ne s’agit pas d’un endettement du pays, c’est une sorte de Partenariat Public-Privé (PPP). La CNPC va investir et le remboursement sera effectué lors de la vente du pétrole brut ». Tout laisse deviner que les nouvelles autorités ne comptent pas laisser le partenaire chinois mener la danse tout seul. Le Niger se donne désormais beaucoup plus qu’un droit de regard, notre pays ne veut plus laisser la CNPC garder la haute main sur notre or noir.
Le vent tourne
Niamey donne de la voix quant à la conduite du chantier de l’oléoduc Niger-Benin. Pékin marche sur des œufs, comme le notent plusieurs observateurs. À la mi-août, la CNPC a dépêché une délégation de haut niveau à Niamey afin de discuter de tous les ‘’sujets sensibles’’ : « le développement du site d’Agadem, la construction du pipeline, le renforcement de la SORAZ », rapporte le quotidien d’informations Africa Intelligence (AI). À noter que des discussions d’un tel niveau n’ont plus eu lieu à Niamey depuis fin 2019 et le début de la Covid-19. Il est évident que le partenaire chinois a compris l’urgence de se rendre sur les rives du fleuve Niger pour écouter les nouvelles autorités en place. Depuis sa nomination à la tête du ministère du Pétrole, Mahamane Sani Mahamadou dit Abba donne du fil à retordre aux dirigeants de CNPC. « Si l’exercice est resté très protocolaire, les Chinois sont conscients que les réseaux tissés sous le mandat de l’ancien président Mahamadou Issoufou et de son insubmersible ministre Pierre Foumakoye GADO ne fonctionnent plus depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Bazoum et de Mahamane Sani Mahamadou, le puissant ministre des hydrocarbures », écrit AI. C’est clair, le vent tourne, et pas dans le sens qui arrange Pékin.
« Nigérienisation » du personnel
D’après des sources proches des négociations, Abba reste droit dans ses bottes, il est inflexible sur les questions de ‘’nigérienisation’’ des postes dans le secteur pétrolier. La West African Gas Pipeline Co (WAPCO), la société en charge de la gestion de l’oléoduc, est également au cœur des négociations entre le Niger et son partenaire chinois. En juillet 2022 s’est tenu à Paris le 2ème round des discussions à ce sujet : « la plupart des enjeux n’ayant pas été tranchés, il faudra encore plusieurs de ces rounds pour parvenir à un accord (…) Notamment sur la prise de participation de l’État du Niger dans le capital de WAPCO », souligne AI. Habituée aux traitements de faveur sous Issoufou Mahamadou, la CNPC souhaite « continuer à envoyer des centaines de Chinois et à embaucher des Nigériens à des fonctions administratives subalternes, dans le but d’éviter qu’ils ne parviennent seuls à la maîtrise opérationnelle », écrit AI. Le ministre du Pétrole a toutes les raisons de mettre l’accent sur la ‘’nigérienisation’’ des postes au sein des filiales de la CNPC dans notre pays. À la mi-août, le directeur général adjoint de WAPCO, Issaka Ado Garba, l’un des rares cadres nigériens, a été remercié par le partenaire chinois. Plus que jamais, notre souveraineté sur nos matières premières doit s’affirmer. C’est le combat que mènent les autorités en place.