Dialogue de sourds sur fond de suspicion mutuelle. Tel est le climat qui prévaut entre Niamey et Cotonou ces semaines-ci. La fermeture de la frontière Niger-Bénin pénalise l’ensemble des deux pays. Pour nombre d’observateurs, l’entente est inévitable entre le général Abdourahamane Tiani et Patrice Talon.
Des relents de suspicion
Les autorités nigériennes n’en démordent pas : « Nous avons souverainement décidé de garder notre frontière fermée avec le Bénin pour la bonne et simple raison que nos anciens amis, que sont les Français, sont revenus sur le territoire béninois après leur départ du Niger », a déclaré Ali Mahamane Lamine Zeine lors d’un point de presse ce 11 mai 2024. Pour le Premier ministre nigérien, les choses sont claires : le Niger gardera sa frontière fermée “jusqu’à ce que le Bénin décide de traiter de cette question essentielle”. Tout naturellement, Cotonou conteste le bien-fondé de ces accusations. Selon le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, Niamey doit envoyer : « […] Tous les médias indépendants dont il dispose. Ils n’ont qu’à venir, nous leur ferons visiter le Bénin depuis Cotonou jusqu’à Malanville, en passant par tous les coins et les axes frontaliers, et ils pourront constater s’il y a une base militaire. Une base militaire n’est pas difficile à trouver, une base militaire n’est pas une aiguille dans une botte de foin […] », a-t-il déclaré. Aucun doute, c’est un véritable dialogue de sourds sur fond de suspicion mutuelle qui s’est installé entre les deux pays.
Une solution de substitution
« On ne peut pas nous voir comme des ennemis et vouloir notre collaboration et nos moyens », c’est par ces mots que Patrice Talon a justifié le blocage de l’embarquement du pétrole nigérien à partir de la plateforme de Sèmè-Kpodji. Entre-temps, Cotonou est revenu à des meilleurs sentiments, l’impasse étant surmontée grâce à une médiation chinoise. Seulement, l’espoir d’une embellie dans les relations entre les deux pays s’est vite estompé. Sans crier gare, le Bénin a fermé la voie fluviale érigée en canal d’échange avec le Niger depuis la fermeture des frontières terrestres. Inutile de dire que cette situation pénalise l’ensemble des deux pays. Le sac d’oignons passe de 12 à 30 mille FCFA au Bénin à cause de la fermeture de la voie fluviale, apprend-on. Côté nigérien, le prix des céréales comme le maïs, la farine de manioc, le tapioca a augmenté de façon vertigineuse. La pénurie de ces aliments n’est rien comparée à la désolation des milliers de voyageurs bloqués sur le territoire béninois. Pour sortir de l’asphyxie économique ainsi engendrée, Cotonou a décidé d’ouvrir un corridor vers le Nigéria. L’itinéraire routier Kandi-Kebbi-Niamey a récemment été érigé en passage alternatif pour les expéditions entre le Bénin et le Niger, avec un détour par le Nigeria. Cette voie qui interconnecte des régions septentrionales du Bénin et du Nigeria dessert en effet le sud du Niger, ce qui en fait un substitut valable à l’axe Cotonou-Malanville-Niamey. Le mieux n’est-il pas de rouvrir l’axe Niamey-Cotonou ?
L’inévitable entente ?
Cotonou est le ‘’port naturel’’ du Niger, il n’y a aucun doute là-dessus. « C’est le chemin le plus court que peuvent emprunter les marchandises importées par le Niger, dont la capitale Niamey est séparée par celle du Bénin, par quelque 1030 kilomètres », note un analyste. Il est clair que les tensions entre les deux pays ne profitent à aucun des protagonistes. Bien au contraire, ces frictions politico-diplomatiques étouffent les populations de part et d’autre de cette frontière désormais ‘’hermétiquement’’ fermée. Patrice Talon n’a jamais fait mystère de sa volonté de normaliser les relations entre le Bénin et le Niger : « Il y a un temps pour condamner, un temps pour exiger et un temps pour faire le point et prendre acte […] Prendre acte requiert que nos interlocuteurs jouent leur partition en exprimant clairement leurs intentions […] », a précisé le président du Bénin. Pour l’instant, Niamey campe sur sa position. Il est grand temps de crever l’abcès. Aller au dialogue est incontestablement l’option la mieux indiquée. Il faut aplanir les différends en vue de la reprise des mobilités des biens et des personnes. Des deux côtés de la frontière, les populations n’en demandent pas plus.