Comme vous le savez, le tribunal militaire de Niamey a prononcé, vendredi 24 février, sa décision sur les événements du 31 mars 2021. Le délit de coups et blessures volontaires avec arme est abandonné pour tous les accusés. 27 condamnations et 35 relaxes sont prononcées. Un jugement qui a surpris plus d’un avocat.
Des condamnations
Soixante-deux (62) personnes, dont cinq en fuite, étaient poursuivies dans cette affaire pour complot, attentat contre la sureté de l’État et coups et blessures volontaires avec arme. Mais à la lumière des débats, certains accusés seront lavés de tout soupçon, d’autres verront lesdits faits requalifiés et d’autres encore reconnus coupables. C’est ainsi que 27 condamnations sont prononcées :
- 5 peines d’emprisonnement à vie
Pour les accusés en fuite, le tribunal militaire a suivi les réquisitions du ministère public (en vertu des articles 186, 187 et suivants du code de justice militaire) et prononcé cinq (5) peines d’emprisonnement à vie contre les nommés Yasser Ali Djibo (neveu du général Salou Djibo), Hassane Issa Garba (un sergent-chef), Abdoul-Aziz Hama Bingui, Issa Bossou et Mamane Sani Abdoulaye. Une ordonnance aux fins de jugement par défaut datée du 07 décembre 2022 avait été prise à leur encontre.
- 6 peines de 20 ans de prison
Le colonel-major Djibo Hamadou (complicité d’attentat), le capitaine Sani Saley Gourouza (complot et attentat), le lieutenant Abdourahamane Morou Idrissa (complot et attentat), les adjudants-chefs Adamou Seyni dit Adams (complot et attentat) et Issaka Hamadou (complot et complicité d’attentat), ainsi que l’adjudant Mahamadou Halilou dit « Étudiant » (complot et attentat) sont présentés comme les principaux cerveaux et acteurs du coup d’Etat manqué. Ne bénéficiant d’aucune circonstance atténuante, ils sont condamnés à 20 ans d’emprisonnement ferme chacun. Ils sont condamnés également solidairement à verser une somme de 50 millions de francs à l’Etat à titre de dommages pour les biens utilisés dans la nuit du 30 au 31 mars 2021. Quelques heures après le verdict, aux environs de 15 heures, ils ont quitté la prison de Niamey, où tous les accusés étaient regroupés pour le procès, pour retrouver la tristement célèbre prison de haute sécurité de Koutoukalé. La demande du Lt Morou pour un transfèrement vers un autre lieu de détention, qui date de juillet 2022, est donc restée sans suite.
- 4 peines de 10 ans de prison
Le lieutenant Boubacar Bagouma, l’adjudant-chef Amadou Boureima, dit Papa, présenté comme un ‘’recruteur’’ d’hommes pour le compte du colonel-major Hamadou, le notaire Ibrahim Djibo et le soldat Moussa Hamadou, sont tous reconnus coupables de complot. Ils ne bénéficient d’aucune circonstance atténuante et sont condamnés à 10 d’emprisonnement ferme chacun.
- 8 peines de 5 ans de prison
Déclarés coupables de complot et bénéficiant de circonstances atténuantes, le tribunal condamne le lieutenant Salifou Kaka, le garde national Hamani Oumarou, le soldat Hamani Mounkaila, le garde national Ibrahim Abdou, le soldat Boubacar Garantché, le caporal Yacouba Mahamadou dit ‘’Fresho’’, Mamane Nouri, un militaire, et Moussa Abdoulaye, un militaire en retraite, à 5 ans de prison ferme chacun.
- 1 peine de 4 ans de prison
Le général Saidou Badjé, ex – chef d’état-major de l’armée de terre, est déclaré coupable du délit de proposition de former un complot (non agréée). Le tribunal ne lui reconnait aucune circonstance atténuante et le condamne à 4 ans d’emprisonnement ferme.
- 1 peine de 2 ans de prison
Le colonel-major Aboubacar Oumarou Dan Azoumi, surnommé « Le Lion » ou « Le Baroudeur » pour sa bravoure, ex – comzone de Tillabéri, est déclaré coupable de complot. Le tribunal lui reconnait des circonstances atténuantes et le condamne à 2 ans d’emprisonnement ferme.
- 2 peines de 1 an de prison
L’adjudant Abdou Haladou et Seydou Soumaila, chef de quartier ‘’Pays-Bas’’, sont déclarés coupables de non dénonciation de crime de complot et condamnés à 1 an d’emprisonnement ferme chacun.
Des relaxes
Trente-cinq (35) relaxes ont été prononcées par le tribunal militaire, aucune charge n’ayant été retenue contre les personnes concernées dont une majorité de militaires. On peut citer, entre autres noms, le commissaire général de police Cissé Ousmane, ancien ministre de l’Intérieur, le colonel de la garde nationale Issa Na Allah, le lieutenant-colonel Mourtala Seydou Diori. Accusés à tort, radiés des rangs des forces armées, ils ont été jetés en prison. « Il ne s’agissait pas d’une vraie tentative de coup d’Etat, et on s’est précipité pour radier des innocents au lieu de les suspendre en attendant que leur culpabilité soit légalement établie », avait déploré Maitre Mounkaila Yayé dans ses plaidoiries. Si les personnes relaxées ont pour la plupart recouvré leur liberté le soir du verdict, aux environs de 23 heures, la justice doit leur être totalement rendue en les réintégrant dans leurs corps respectifs.
Un pourvoi en cassation en vue
Réagissant pour L’Enquêteur, Maitre Mounkaila Yayé, ancien bâtonnier et partie au procès a déclaré : « La décision du tribunal militaire nous surprend. En effet, les éléments constitutifs du complot ne sont pas réunis en ce qui concerne la majorité des accusés. Nous avons une jurisprudence de 2011 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui dit clairement que pour qu’il ait complot, il faut un acte matériel. Et dans le cas qui nous intéresse, il n’y a pas eu d’acte matériel. Ceux qui étaient poursuivis pour les faits de complot sont ceux-là mêmes qui s’étaient retrouvés dans le jardin du colonel-major Djibo Hamadou, certains sur invitation d’un ami, d’autres fortuitement. Au cours des débats, il n’a pas été prouvé qu’ils y étaient pour un quelconque complot. La rencontre a porté sur les voies et moyens d’aider le colonel-major en termes de renseignement en sa qualité de chef du Bureau des opérations à l’Etat-major des armées. Une guerre, quelle qu’elle soit, ne pouvait se gagner sans renseignements. Le tribunal militaire ayant déduit que cette rencontre était un complot, il aurait fallu apporter les éléments constitutifs du complot. Ce qui n’a pas été fait ». Au sujet du respect des droits de la défense, Me Yayé a dit : « Nonobstant le fait que nous n’ayons pas pu produire nos témoins devant le tribunal, je dirais que les droits de la défense ont été respectés en ce qui me concerne, moi et mes clients. Le tribunal a rejeté notre demande d’écouter nos témoins et nous avons formé un pourvoi contre ce rejet auquel nous allons joindre un autre pourvoir contre le jugement qui vient d’être rendu ».
Il faut noter que les condamnés ont cinq (5) jours pour se pourvoir en cassation. Toutefois, un pourvoi n’aura aucune incidence sur les peines prononcées qui semblent définitives.