Les effets pervers de la fermeture des frontières entre notre pays et certains Etats membres de la CEDEAO [le Burkina et le Mali ont dit non] suite au coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023, affectent surtout les populations qui vivent dans les localités, éloignées des frontières. Le long des frontières, la vie suit son cours comme si de rien n’était, les échanges commerciaux ne sont pas paralysés. Loin s’en faut !
Les mesures d’asphyxie
Parmi les chefs d’Etats de la CEDEAO qui veulent voir les populations nigériennes s’installer rapidement dans une situation de détresse par manque d’approvisionnement en produits alimentaires, pharmaceutiques et autres biens de grande consommation figurent le Nigérian Bola Tinubu et le Béninois Patrice Talon. La fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Niger procède de cette volonté cynique de l’institution régionale.
Le premier a immédiatement suspendu sa fourniture d’énergie électrique à notre pays aussitôt que la CEDEAO a décliné le chapelet de sanctions à imposer au Niger dans l’espoir de contraindre le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) – la junte militaire au pouvoir – à faire machine arrière pour se livrer poings et pieds liés aux autorités du régime qu’il a chasséees du pouvoir. Nous plonger dans le noir, c’est du reste la seule mesure qu’il peut mettre en œuvre, car il ne peut pas interrompre les échanges commerciaux le long des 1600 km de frontière partagés par son pays et le nôtre.
Le président béninois Talon, lui, n’a que cette option ; la fermeture instantanée de sa frontière avec nous qu’il a ordonnée, sans aucune évaluation préalable de l’impact négatif que celle-ci aura sur l’économie de son pays. Le port de Cotonou, principal corridor maritime du Niger pour son approvisionnement, est aujourd’hui à l’agonie du fait de sa décision insensée.
Pas de nuages entre Malanville et Gaya
Plus d’une centaine de camions transportant des marchandises diverses à destination du Niger sont encore bloqués à Malanville, en territoire béninois, selon Harouna Hantchi, notre confrère de la radio Fara’a de Gaya que nous avions joint au téléphone ce mercredi 23 août 2023.
‘’Le blocage de la frontière concerne surtout les camions de transport marchandises qui ne passent plus depuis l’entrée en vigueur des sanctions. Sinon, les échanges commerciaux entre Malanville et Gaya sont loin d’être entravés’’, déclare Hantchi.
‘’Les produits rentrent et sortent de part et d’autre de la frontière par de petits moyens de transport et les pirogues dont les exploitants font de très bonnes affaires ces temps-ci’’, indique Hantchi. Du coup, même les jours de marché, selon lui, les populations ne ressentent pas un quelconque changement dans leur quotidien, du fait de l’embargo de la CEDEAO.
‘’Les commerçants béninois, faute de clientèle locale, font passer astucieusement leurs aliments périssables par petites quantités du côté du Niger avant de recharger la cargaison dans des véhicules de transport à destination de l’intérieur du pays’’, a dit constater Salifou Almou, un habitant de Gaya.
Mais cette stratégie n’est pas opérationnelle pour les grossistes qui assistent impuissants au pourrissement de leurs produits, notamment les commerçants spécialisés dans la vente de l’oignon et des fruits et légumes. ‘’Du côté de Gaya, des cargaisons entières d’oignons sont en train de pourrir et de l’autre côté de la frontière, à Malanville, les pertes concernent surtout les fruits, légumes et produits surgelés, a remarqué Almou.
Le printemps des piroguiers
Alors qu’elles étaient davantage empruntées par les insulaires, les voyageurs en défaut de pièces d’état civil et surtout les contrebandiers, les pirogues sont devenues subitement un moyen de transport attractif à Gaya, à la faveur notamment des sanctions de la CEDEAO. Au niveau des quais d’embarquement des deux rives du fleuve, les passagers ne tarissent à longueur de journée pour emprunter les embarcations, au grand bonheur des piroguiers qui assurent les navettes, selon Almou.
Du côté du Niger, un dispositif de contrôle est mis en place pour vérifier l’identité et procéder à des fouilles de passagers qui embarquent ou débarquent pour prévenir tout risque de pénétration sur notre territoire de porteurs de tenue déguisés en civil, dans un contexte de menace d’agression armée de notre pays par la CEDEAO.
Pour Harouna Hantchi, il y a nécessité de ‘’renforcer le dispositif de veille et de contrôle du trafic sur le fleuve’’ qui s’est amplifié du fait des sanctions de l’organisation communautaire contre notre pays.
Surtout qu’il y a des embarcations transportant des passagers et des marchandises qui viennent du côté du Nigéria aussi. En fin de semaine dernière, une de ses embarcations a chaviré tard dans la nuit, occasionnant deux morts parmi les passagers qui seraient au nombre de six, selon notre confrère’’.