Un an après son accession à la magistrature suprême, Mohamed Bazoum a annoncé la réactivation du Conseil national de dialogue politique (CNDP). Mais cette volonté d’apaisement du climat politique tiendra-t-elle ses promesses ? Pour l’heure, sous prétexte d’amélioration du cadre juridique des élections, les plus radicaux du parti au pouvoir veulent changer le régime des élections et du référendum, ainsi que l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en ignorant le CNDP.
Un prétendu comité d’experts mal parti
Au PNDS – Tarayya, on ne comprend pas le concept de démocratie parce qu’on ne le pratique pas. Pour ce parti, le pouvoir est d’abord une domination et non pas la capacité à résoudre les problèmes de la société. Dans sa volonté de conserver le pouvoir ad vitam aeternam, il a été mis en place, unilatéralement, par le Premier ministre, un comité d’experts chargé de proposer des réponses aux insuffisances constatées à l’issue du cycle électoral 2020-2021-2023. Le comité, dont on ignore quand il a été mis en place, dans quelles conditions et qui en sont les membres, proposerait « d’améliorer et d’harmoniser l’encadrement juridique du processus électoral sur la base des principes de transparence et de crédibilité, d’inclusivité et de conformité des normes aux instruments juridiques internationaux ratifiés par le Niger, à la Constitution et aux autres lois organiques. » C’est ainsi que deux avant-projets de lois organiques sont proposés : l’un porte sur la création, l’organisation et le fonctionnement de la CENI, et l’autre est relatif au régime général des élections et des référendums. Pour le Gouvernement, ces textes apportent des améliorations de forme et de fond, sans dire lesquelles.
Exclusion politique à la base
A la lecture de l’avant-projet de loi fixant les régimes des élections et du référendum, il ressort que le PNDS – Tarayya veut en faire une affaire personnelle. Pour décourager et écarter le maximum de partis politiques à concourir aux élections, il a fait porter très haut la barre de la participation aux frais électoraux. L’article 35 du texte susdit propose : « La caution ou la participation aux frais électoraux, qui doit être versée au Trésor public avant le dépôt de candidature, est fixée ainsi qu’il suit : Deux cents millions (200.000.000) de francs CFA par candidat pour l’élection du Président de la République ; Cinquante millions (50.000.000) de francs CFA par liste de candidats pour toutes les circonscriptions ordinaires pour les élections législatives ; Vingt-cinq millions (25.000.000) de francs CFA par candidat pour les circonscriptions spéciales pour les élections législatives ; Deux millions (2.000.000) de francs CFA par liste pour les élections locales… » Le PNDS a aujourd’hui suffisamment de milliardaires et de millionnaires pour croire que les futurs candidats aux élections générales pourraient facilement s’acquitter des frais électoraux. Pour rappel, le Code électoral actuellement en vigueur prévoit 25.000.000 F pour la présidentielle, 250.000 F par liste de candidats pour les circonscriptions ordinaires lors des législatives, 100.000 F par candidat pour les circonscriptions spéciales, et 10.000 F par liste pour les locales.
L’Opposition et les partis alliés du PNDS devant le fait accompli ?
Les partis de l’opposition et les partis alliés du PNDS ignoraient tout des manœuvres souterraines du parti présidentiel tendant à se donner des textes électoraux sur mesure. A l’heure où les partenaires du Niger et les Nigériens eux-mêmes appellent à créer les conditions d’un consensus national autour des grands défis auxquels notre pays fait face, on voit mal tous ces partis accepter de se mettre une corde au cou. Et pour un consensus sur la question électorale, il existe un cadre approprié : le CNDP. Créé par décret n°2004-030/PRN/PM du 30 janvier 2004, le CNDP est un organe chargé de promouvoir un consensus autour des questions d’intérêt national et des principes démocratiques et républicains. Il est censé être un cadre permanent de prévention, de règlement et de gestion des conflits politiques à travers le dialogue et la concertation entre la classe politique nigérienne, toutes tendances confondues, et le gouvernement autour des questions d’intérêt national. Un processus électoral n’est crédible que si tous les acteurs et groupes concernés le comprennent et s’impliquent de façon active et responsable. Il faut savoir faire des compromis politiques dynamiques pour avancer vers l’essentiel.