Maintes fois, et par des voies diverses et variées, le général de brigade Abdourahamane Tiani, tête de proue du pronunciamiento opéré dans notre pays le 26 juillet 2023, a eu à proférer de manière solennelle, la main sur le cœur, que lui et ses compagnons du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie ( CNSP) n’auront aucune attitude prêtant à équivoque sur la ligne suivie, celle des aspirations réelles et profondes du peuple. Rien ne l’obligeait à mettre une telle charge sur leurs épaules. Beaucoup d’auteurs de coup d’Etat sont passés avant eux et n’ont pas tenu un tel langage, qui équivaut à un serment des FAN. Dès lors, il n’existe aucune échappatoire pour se délier de cet engagement, véritable manteau de Nessus.
Et jusqu’à présent, il est difficile de clamer qu’ils n’ont pas tenu parole. Ils ont fait table rase du passé et commencé à nettoyer les écuries d’Augias. Et le peuple, toujours confiant, continue à leur accorder tout le crédit nécessaire. Ils ne se sont pas écartés, d’un iota, de la route patriotique tracée. Cependant, peut-être du fait du temps qui défile à une vitesse vertigineuse, parce que les événements se succèdent à un rythme effréné, l’impatience gagne du terrain dans l’opinion d’une frange suspicieuse de nos compatriotes. Sans doute parce qu’on ne parle plus du Conseil National inclusif de transition…
La question incontournable
Si vous voulez savoir si votre interlocuteur est de bonne foi, ou ne cherche qu’à vous rouler dans la farine, posez-lui la question-piège suivante : préférez-vous que le coup d’Etat ait eu lieu ou pas ? Celui qui répond par l’affirmative, est heureux que le statu quo ante cauchemardesque, que tout le monde découvre, effaré, aujourd’hui, soit jeté aux orties, même si le prix à payer implique quelques entorses aux règles démocratiques. Quant à celui qui répond le contraire, inutile de perdre votre salive, laisser le mariner dans la gadoue avec ses maîtres néocolonialistes. C’est aussi simple que ça. Coup d’Etat salvateur, du moins, pour la très large majorité des Nigériens. Ça ne fait pas un pli. Les mesures conservatoires sont prises ou sont en train d’être prises avec l’assentiment sans réserve des masses populaires. Mais quid de la promesse d’un retour à une vie constitutionnelle normale ? (normes exogènes imposées).
Démocratie électoraliste
Nous n’y croyons pas trop. Nous avons développé nos idées sur ce chapitre dans d’autres articles parus dans ce journal. Ceci étant, admettons que l’on mette le même contenu positif dans ce vocable démocratie. Là n’est pas d’ailleurs la question. Dans le feu de l’action, le général de brigade Abdourahamane Tiani, parlant avec l’aval de ses camarades, a juré que jamais, au grand jamais, il ne trompera le Peuple. C’est écrit sur du marbre dans le subconscient de tous nos concitoyens. Mais des forces d’attraction extérieures impactent les décisions du CNSP. Nous voulons parler de l’entrée de notre pays dans l’AES (Alliance des États du Sahel) et de sa sortie de la CEDEAO. Deux dynamiques qui exigent concertation et harmonisation des positions des partenaires immédiats. En outre, il est possible que le retour à une « vie constitutionnelle normale » soit subordonné à un timing précis et coordonné dans les trois (3) États de l’AES. Pour plus d’efficience. Pour ce faire, il faudrait déjà avoir en perspective un modèle de société différent de celui qui est attendu. Là, commence la stratégie à adopter, et les tactiques que nos têtes pensantes ont jugé opérationnelles. Tant il est vrai que pour ces militaires rompus aux jeux subtiles et méandreux des ruses guerrières, il ne faut pas, tout de go, abattre toutes ses cartes. Est-ce la raison de la rétention de l’information que l’on observe actuellement ?
La promesse est une dette
CNSP, vous devez au peuple la franchise la plus totale possible. Vous avez promis solennellement de le faire, quel qu’en soit le prix. Le peuple est donc en droit d’espérer que vous tiendrez parole. Dites-lui clairement comment vous envisagez la suite des événements. Du moins, jusqu’à un point limite, de manière à ne pas compromettre votre stratégie occultée. En toute logique, seules six personnes (trois au Niger, deux au Mali, et un au Burkina Faso) devraient être dans la confidence, pour des raisons que l’on devine aisément. Cependant, le peuple a besoin d’être rassuré et de continuer à faire confiance à ses guides du moment. Encore faudrait-il que ceux-ci prennent conscience de ses interrogations anxieuses et arrêtent des mesures aptes à le tranquilliser. Rien de plus souhaitable pour cela que de lâcher le plus souvent possible quelques bribes de vérités. Faute de mieux …