La rencontre d’échanges entre le président de la République, Bazoum Mohamed, et les centrales syndicales et les organisations de la société civile, sur l’augmentation du prix du litre de gasoil à la pompe, s’est déroulée samedi 6 août. Il s’agissait juste d’une rencontre visant à éclairer les partenaires sociaux sur les tenants et les aboutissants de la hausse. Et de recueillir en retour leurs observations et suggestions. Puis retourner vers leurs bases respectives pour partager les informations reçues et décider de la conduite à tenir par rapport à l’augmentation du carburant décidée unilatéralement par le gouvernement. Contre toute attente, l’on a annoncé mardi 9 août 2022 la signature d’un protocole d’accord signé entre le gouvernement et une catégorie des partenaires sociaux à savoir les associations de défense des droits des consommateurs et celles des transporteurs marchandises et passagers. Comment des négociations sur une préoccupation aussi sérieuse peuvent-elles se dérouler et déboucher sur un accord en l’espace de 48 heures ? Surtout qu’il n’y a pas eu de convergence de vues lors de la rencontre. Nombre d’observateurs ont certainement dû formuler cette question. Nouhou Mahamadou Arzika, président du MPCR, que nous avons interrogé a indiqué que son organisation ne reconnait pas ce protocole d’accord. L’acteur qui a signé l’accord au nom des organisations de défense des droits des consommateurs [qui n’est d’ailleurs pas représentatif selon lui dans le milieu], n’a consulté aucune autre organisation pour aller signer le document. Au niveau de la corporation des transporteurs aussi, des représentants de plusieurs associations ont instantanément diffusé des messages vocaux sur WhatsApp pour désavouer la légitimité de ceux qui sont allés s’asseoir autour de la table pour signer le protocole en leurs noms. Ils disent que le protocole ne les engage pas et qu’ils comptent d’ailleurs mener des actions de contestation contre la hausse dans les jours à venir. Dans la même veine, la coordination régionale Niamey de la campagne ‘’Tournons La Page’’, a rendu aussi publique une déclaration dans laquelle elle ‘’dit non à la cherté de la vie et exige du gouvernement la renonciation immédiate et sans condition à la décision portant augmentation du prix du litre du gasoil, et un audit indépendant de la gestion du pétrole nigérien ainsi que des sociétés comme SORAZ et SONIDEP’’. C’est dire que ce protocole n’a aucune valeur, c’est juste une machination grotesque du gouvernement pour chercher à couper l’herbe sous le pied des partenaires représentatifs.
Côté associations et syndicats du secteur privé, les choses sont dès lors claires, la hausse ne passe pas ! C’est la réponse des centrales syndicales qui était attendue par l’opinion. Et l’Intersyndicale des travailleurs du Niger (ITN) n’a pas tardé à faire connaître sa position vis-à-vis de la mesure après la rencontre avec le président Bazoum Mohamed. Dans une déclaration, ce mercredi 10 août, l’ITN dit avoir analysé profondément les raisons avancées par le président de la République et dresser le constat suivant : ‘’Il ne s’agit ni plus ni moins que de venir au secours de la Sonidep, une société victime de manque d’orthodoxie dans sa gestion. Si elle est fortement endettée et n’arrive plus à constituer le moindre stock pour la consommation nationale, c’est du fait de la responsabilité de ceux qui l’ont gérée, car les prix n’ont guère changé au niveau de la Soraz’’. Le fait de tenter d’expliquer la hausse du gasoil ‘’à une volonté de s’aligner avec des pays de la sous-région qui n’ont pas les mêmes réalités socioéconomiques que le nôtre, dans le souci de protéger la production interne relève de la duperie’’, déclare l’ITN. Et pour montrer le caractère fallacieux de l’argumentaire du gouvernement, l’intersyndicale a pris l’exemple du Nigéria qui a fermé ses frontières 15 mois durant pour protéger sa production locale de riz. Nous pouvons bien le faire aussi en ce qui concerne le gasoil. ‘’Ces arguments tout aussi fallacieux que saugrenus ne sauraient convaincre le plus naïf des Nigériens’’, a martelé l’ITN, convaincue qu’il existe d’autres voies pour protéger notre marché intérieur. Devant ce constat amer, l’ITN qui dénonce un déficit de dialogue social qu’elle considère comme ‘’un grave recul de la démocratie et une menace à l’Etat de droit’’, a décliné sa position par rapport à la mesure. La première chose, c’est qu’elle n’entend pas ‘’pour quelles que raisons que ce soient, “consentir des sacrifices pour couvrir la forfaiture d’individus avides qui s’enrichissent impunément sur le dos du contribuable nigérien’’. Aussi exige-t-elle du gouvernement un audit indépendant de la Sonidep et du fonds de l’énergie afin de faire toute la lumière sur leurs gestions. Occasion pour l’intersyndicale de rappeler au président Bazoum son devoir républicain de protéger et préserver les ressources nationales au profit des citoyens. Mais aussi de rejeter les arguments avancés par le gouvernement tout en restant ‘’ferme et intransigeant sur l’annulation de cette décision impopulaire qui a déjà commencé à engendrer ses effets néfastes sur les produits de première nécessité et le coût du transport’’. Est-ce que le gouvernement va prendre la mesure du problème pour éviter des lendemains incertains à notre pays ? Cette déclaration musclée de l’ITN doit en tout cas être prise au sérieuse. Les luttes qui seront engagées dans les jours et les semaines à venir ne seront plus une affaire des seuls acteurs de la société civile, elles engageront tout le monde. Car la cherté de la vie n’a pas de coloration partisane pour qu’on dise que ce sont des politiciens qui sont derrière.