La région de Tillabéri, frontalière du Mali et du Burkina Faso, est régulièrement visée depuis des années par des attaques meurtrières de groupes terroristes, et ce, malgré qu’elle soit placée sous état d’urgence depuis 2017. En dépit également de l’aide militaire occidentale, la situation sécuritaire continue d’être perturbée par des incidents de plus grande ampleur (enlèvements, assassinats, vols de bétails, extorsions et pose d’engins explosifs improvisés (EEI).
Des conséquences socio-économiques
Cette dégradation de la situation sécuritaire fracture les structures sociales et impacte durablement la productivité. Selon OCHA, l’accès aux soins de santé et aux autres infrastructures sociales de base devient très limité dans la plupart des treize (13) départements de Tillabéri. En milieu d’année 2022, on déplorait la fermeture d’au moins 25 marchés hebdomadaires dans six départements (Abala, Torodi, Tillabéri, Ouallam, Banibangou et Ayorou). Le département de Torodi comptait sept marchés hebdomadaires fermés dont trois à Makalondi et quatre à Torodi. Au 30 septembre 2022, huit centres de santé intégrés (CSI) et 23 cases de santé communautaire sont non fonctionnels pour cause d’insécurité au niveau de la région dont 2 CSI et 3 cases de santé à Torodi et 11 cases de santé à Téra. Du côté de la Direction régionale de l’Education, il a été rapporté qu’en fin juin 2022, un total de 817 écoles sont fermées sur 2 678 que compte la région, dont 784 écoles primaires et 33 établissements secondaires pour un effectif de 67 954 élèves. Les départements de Téra et Torodi sont les plus affectés. Téra compte 303 écoles primaires fermées sur les 435 du département, et à Torodi quatre établissements secondaires sont fermés sur les neuf que compte le département et 144 écoles primaires sur 251, affectant un effectif d’environ 15 000 élèves. En ce qui concerne les mouvements de populations, la région de Tillabéri a enregistré en fin août 2022, 5 980 ménages d’environs 44 122 nouveaux déplacés fuyant les exactions des groupes terroristes dans les départements frontaliers avec le Burkina Faso. Une situation qui interpelle.
Des solutions proposées par la région
Les 26 et 27 mars 2022, les ressortissants de la région se sont réunis à Tillabéri dans le cadre d’un forum sur la sécurité, la cohésion sociale et le développement durable. Après un diagnostic pertinent et sans complaisance des éléments caractéristiques de cette insécurité, une analyse d’impacts sur le développement socio-économique de la région et un examen approfondi des solutions pour ramener la paix, les participants ont formulé d’importantes recommandations, au nombre de 23, à l’endroit des plus hautes autorités du pays. Elles vont notamment d’un recrutement spécial de 1 500 gardes nationaux pour assurer une sécurité de proximité au niveau des 17 communes frontalières du Mali et du Burkina à l’interdiction du ciblage des communautés dans l’intervention des projets de développement et dans la distribution gratuites des vivres, en passant par une amélioration de la réactivité des FDS afin de renforcer la confiance avec les populations. Mais un an après, à peine quatre (4) recommandations sont mises en œuvre.
La méthode Bazoum et ses limites
« Ce n’est un secret pour personne, le Niger a ouvert des canaux de discussion avec différents groupes djihadistes dans la région, dont Al-Qaïda et l’État islamique. Avec L’EI, cela a été un échec. La preuve : le groupe continue de cibler le pays sahélien. Avec Al-Qaïda, les discussions commencent à porter leurs fruits, puisqu’avant la libération d’Olivier Dubois et de Jeffery Woodke, il y a eu celle de sœur Suellen Tennyson, une Américaine de 83 ans enlevée au Burkina Faso et libérée au Niger, l’été dernier », avance Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des réseaux djihadistes. La libération de ces otages occidentaux aurait-elle un lien avec l’élargissement de plusieurs terroristes annoncé par le président Mohamed Bazoum le 25 février. “J’ai identifié neuf chefs terroristes. On m’a conseillé de libérer des prisonniers que j’ai directement reçus au palais de la présidence parce que je cherche la paix”, a déclaré le chef de l’Etat.
Mais de quelle ‘’paix’’ parle-t-il ? Plusieurs des terroristes libérés n’auraient-ils pas depuis repris les armes, comme un natif de N’Zott, village à la frontière avec le Mali ? Malgré la libération de chefs terroristes, le Niger continue d’être endeuillé. Le 10 février dernier, une patrouille de l’armée nigérienne est tombée dans une embuscade tendue par des hommes armés à Intagamey (Banibangou), près de la frontière malienne. Le bilan s’est établi à 17 morts, 13 blessés évacués, 12 portés disparus, 05 véhicules calcinés et 01 autre emporté, a indiqué un communiqué des FAN. Le retour de la paix passe indiscutablement par l’écoute des populations victimes du terrorisme ou de leurs représentants.