Un rapport d’enquête explosif de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) sur la Douane est resté sans suite. Par qui et pourquoi ce scandale a-t-il été étouffé ? Récit d’un mystère d’État.
La transparence en trompe-l’œil
Quelque dix-sept (17) mois après sa prise de fonction, l’on peut légitimement s’interroger sur la sincérité du président de la République quant à son serment : « […] je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa “base’’, sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre. » Il y a lieu de dire qu’en matière de lutte contre la corruption, Bazoum Mohamed n’a fait aucune prise de taille. Sur l’affaire dite ‘’Ibou Karadjé’’, sans pour autant préjuger de son issue, les Nigériens demeurent septiques, pour ainsi dire. L’opinion publique, dans sa grande majorité, est convaincue qu’il ne s’agit que d’un semblant d’assainissement, les gros poissons sont passés entre les mailles du filet. ‘’Ibou Karadjé’’ et consorts constituent du menu fretin piégé dans les nasses de la justice. À quand le réveil de Bazoum Mohamed pour une véritable chasse aux pilleurs de deniers publics ? C’est la question sur toutes les lèvres.
Des milliards FCFA manquent à l’appel
Dans plusieurs de ses adresses à la Nation, Bazoum Mohamed dit avoir « donné plein pouvoir à la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) » afin de « promouvoir une gouvernance de nature à favoriser le progrès de notre pays et lui assurer sa stabilité. » Force est d’admettre que les seuls ‘’faits d’armes’’ de la HALCIA sous la Renaissance 3 restent et demeurent la traque de quelques sombres tricheurs lors des examens et concours. Pas plus. Pourtant, on ne peut accuser l’institution d’inertie. La HALCIA mène des enquêtes jusque dans les moindres rouages de l’État. C’est le cas de cette série d’investigations conduite dans plusieurs services des Douanes au cours desquelles il ressort que d’énormes irrégularités ont été commises. Le montant des préjudices présumés causés à l’État serait de quelque 183 milliards FCFA. Un rapport a été rédigé par la HALCIA, et une copie a été soumise à l’appréciation du président de la République comme l’exige la procédure en la matière. La HALCIA avait même prévu un point de presse pour évoquer publiquement cette affaire. Seulement, ce rendez-vous avec les médias n’a jamais eu lieu. Le dossier a-t-il été étouffé, sans autres explications ?
Qui a débranché la machine ?
Bazoum Mohamed est bel et bien au courant de ce scandale financier présumé. Mais contrairement au cas ‘’Ibou Karadjé’’, le président de la République est resté muet là-dessus. A-t-il enjoint la HALCIA à sursoir à sa sortie médiatique ? Qui ne veut pas de bruits autour de ce dossier ? Qui a débranché la machine ? Le président de la HALCIA aurait-il été convoqué à la présidence de la République pour une confrontation avec des responsables de bureaux de douane accablés par le rapport ? Le mystère reste entier. La HALCIA a-t-elle été contrainte de ranger son rapport ? Les conclusions de l’enquête n’ont-elles pas résisté aux clarifications apportées par les responsables concernés de la Douane ? Le chef de l’État a-t-il préféré éteindre un feu qui risque d’embraser son régime ? Autant de questions en suspens. Une chose est certaine, Bazoum Mohamed (qui se pose en chantre de la bonne gouvernance) s’auto discrédite en acceptant ce silence autour d’une affaire aussi gravissime.
Affaire à suivre…