Bazoum Mohamed est bien dans une politique d’apaisement avec l’opposition politique. Une démarche qui heurte les plans d’Issoufou Mahamadou, lequel privilégie la stratégie de la tension permanente pour continuer à garder la haute main sur l’État. Autopsie d’un clash annoncé.
Une présidence à deux
Est-ce possible d’avoir deux capitaines sur un même bateau ? La réponse à cette question est connue de tous. Ceux qui parlent d’allégorie doivent changer d’avis. C’est un fait : deux hommes se partagent les commandes de notre pays. Dans son discours d’investiture, Bazoum Mohamed a dit : « Je serai le Président élu pour tous les Nigériens. Je m’engage à agir de façon à les rassurer tous et à conforter l’unité et la fraternité qui doivent présider aux relations entre eux. » Seulement, a-t-il les coudées franches ? Pas si sûr. De plus en plus de Nigériens en sont convaincus : Issoufou Mahamadou partage les prérogatives liées à la fonction présidentielle avec son dauphin. Ce n’est pas une exagération des faits. C’est la réalité telle quelle. Bazoum Mohamed doit ferrailler dur pour se libérer de l’ombre tutélaire de son mentor. Cela fait dix-sept (17) mois déjà que dure cette ’’présidence à deux’’. Un état de fait qui tire vers le bas le quinquennat de Bazoum Mohamed. Ce dernier, sans la totalité des leviers du pouvoir entre ses mains, ne peut gérer l’État conformément à son programme. Issoufou Mahamadou ne fait pas que mettre des bâtons dans les roues de son successeur, il veut tout bonnement saboter son mandat, c’est du moins l’avis dominant au sein de l’opinion nationale.
Du donnant-donnant
Bazoum Mohamed est bien conscient de l’urgence de se soustraire de l’emprise d’Issoufou Mahamadou. Les signes ne trompent pas, le président de la République est bien dans une politique d’apaisement avec l’opposition politique. La session du Conseil National du Dialogue Politique (CNDP) de ce 9 septembre 2022 s’inscrit dans cette démarche. Le clan (c’est bien le terme) du chef de l’État cherche, autant que faire se peut, à pacifier l’échiquier politique national en sa faveur. Les témoignages sont légion, Bazoum Mohamed, malgré sa grande proximité avec Issoufou Mahamadou, n’est pas parmi les faucons du PNDS-Tarayya. L’opposition politique, ou du moins le Moden FA Lumana, a clairement compris cette sincérité que d’aucuns attribuent volontiers à Bazoum Mohamed. Le parti de Hama Amadou n’a pas hésité à deux fois avant d’accepter l’idée d’un CNDP. Des leaders politiques comme Omar Hamidou Tchiana (AMEN-AMIN) ou Tahirou Guimba (MODDEL MA AYKATA), hostiles au CNDP, n’ont certainement pas perçu le « deal donnant-donnant » qui se dessine entre le parti de Hama Amadou et le chef de l’État. Autant Bazoum Mohamed a besoin d’élargir son cercle d’alliés pour éventuellement faire face au clan de son mentor, autant Hama Amadou et ses amis politiques veulent se défaire des déboires judiciaires qui les entravent depuis 19 mois maintenant. C’est clair, Bazoum Mohamed prépare la ‘’guerre’’ (le mot n’est pas exagéré) qui, fatalement, l’opposera à Issoufou Mahamadou.
« À la fin il n’en restera qu’un… »
La paix entre Bazoum Mohamed et l’opposition politique (le Moden FA Lumana en tête) est un scénario qui percute les plans d’Issoufou Mahamadou. Ce dernier, deux décennies durant, a privilégié la stratégie de la tension permanente pour fragiliser voire anéantir ses adversaires politiques. Issoufou Mahamadou est toujours dans cette logique pour continuer à garder la haute main sur l’État. Penser que, par devoir de gratitude, Bazoum Mohamed doit s’abstenir de croiser le fer avec son mentor, est une mauvaise lecture du jeu politique en cours dans notre pays. Question : Issoufou Mahamadou va-t-il laisser son dauphin dégainer en premier ? Certainement pas. L’homme de Dan daji et ses porte flingues ne vont pas concéder l’avantage à Bazoum Mohamed. Il est clair que les premières escarmouches entre les deux clans auront lieu avant la tenue du congrès ordinaire du PNDS-Tarraya prévu en décembre prochain. Comme l’a si bien résumé le romancier français André Thérive : « En politique, il n’y a pas de traîtres, il n’y a que des perdants ». Entre Bazoum Mohamed et Issoufou Mahamadou, aucun des deux ne peut se permettre de perdre.