Lors de la campagne présidentielle française en 1995, le candidat Jacques Chirac, interrogé sur la question du terrorisme, a répondu ceci : « Pour vaincre le terrorisme, il faut plutôt rechercher les causes profondes de celui-ci. » Il devrait en être de même avec la série de coups d’Etat militaires que connait l’Afrique de l’Ouest depuis 2020. Or, ni la classe politique, ni la CEDEAO, ni les partenaires occidentaux ne s’intéressent aux causes qui produisent l’irruption de l’armée sur la scène politique. Personne ne se pose cette question : pourquoi le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, adopté en 2001 par les Etats membres de la CEDEAO pour promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance dans la sous-région, ne parvient-il pas à prévenir la survenue des coups d’Etat militaires ? Lorsqu’un putsch survient, l’on se contente de dénoncer et de condamner. Après le coup d’Etat intervenu au Niger le 26 juillet dernier, qui a mis fin à une démocratie de façade, les chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO, faisant le relais de certaines officines occidentales, se sont précipités pour prendre une série de sanctions économiques et financières contre le Niger d’application immédiate. Des sanctions décrites par le général Abdourahamane Tiani comme « illégales, injustes et inhumaines », et ce, à juste titre. En effet, le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO ne fait point mention des sanctions appliquées contre le Niger et son peuple. L’article 45 dudit Protocole dispose très clairement :
« 1. En cas de rupture de la Démocratie par quelque procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits de la Personne dans un État membre, la CEDEAO peut prononcer à l’encontre de l’État concerné des sanctions.
2. Lesdites sanctions à prendre par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement peuvent aller par graduation : – Refus de soutenir les candidatures présentées par l’État membre concerné à des postes électifs dans les organisations internationales ; – Refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans l’État membre concerné ; – Suspension de l’État membre concerné dans toutes les Instances de la CEDEAO ; pendant la suspension, l’État sanctionné continue d’être tenu au paiement des cotisations de la période de suspension.
3. Pendant ladite période, la CEDEAO continuera de suivre, d’encourager et de soutenir tout effort mené par l’État membre suspendu aux fins de retour à la vie institutionnelle démocratique normale.
4. Sur proposition du Conseil de Médiation et de Sécurité, il peut être décidé à un moment approprié de procéder comme il est dit à l’Article 45 du Protocole. »
Comme on peut le constater, la CEDEAO a outrepassé ses prérogatives en imposant des sanctions au Niger à tort. Et surtout l’UEMOA qui est une union monétaire. Avec les cas malien, guinéen et burkinabè, la CEDEAO a enterré la vision de ses Pères fondateurs d’avoir une Afrique de l’Ouest intégrée économiquement avec des politiques harmonisées, jouissant de la libre circulation des personnes, des biens et des services ainsi qu’un droit d’établissement continu. Au lieu de prendre plaisir à fouler aux pieds la souveraineté des Etats membres sans que ces derniers n’aient abandonnés toute ou partie de celle-ci, la CEDEAO devrait se préoccuper de supprimer nos frontières physiques et psychologiques obsolètes et autres différences d’inspiration coloniale afin que notre sous-région puisse pleinement atteindre son plein potentiel.