La Commission de lutte contre la délinquance financière et fiscale a eu enfin des visages avec la publication officielle de la liste de ses membres ce vendredi 3 novembre 2023. Le choix desdits membres a obéi à la même logique observée par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), la junte militaire qui a évincé le président Bazoum du pouvoir le 26 juillet 2023, consistant à faire un dosage de militaires et de civils dans la composition des organes en charge de la conduite de la transition.
Nomination controversée des gardiens de la finance
Sans égard, dans certains cas, au respect du critère fondamental de compétence/intégrité morale qui doit prévaloir en matière de nomination à de hautes fonctions de l’Etat, au regard de la passe difficile dans laquelle se trouve notre pays caractérisée par les sanctions illégales et criminelles de la Cedeao et de l’Uemoa et le gel des financements de la communauté internationale occidentale.
Du fait de cette situation, la publication des noms des 35 personnalités de la Coldeff n’a pas aussi échappé à des critiques parfois acerbes au sein de l’opinion nationale où la bomme moralité de certains des membres est ouvertement mise en doute.
Mais là n’est pas l’objet de nos propos, ce qui nous importe ici, c’est surtout les enjeux de la difficile mission assignée à la structure qui a mis du temps avant d’être matérialisée, plusieurs semaines après le décret annonçant sa création.
Des enjeux judiciaires à la hauteur des attentes : la COLDEFF à l’épreuve de la réalité
Pour une structure chargée de traquer les délinquants ayant commis des détournements de deniers publics et/ou compromis des biens publics sous le régime déchu des Renaissants afin de rétablir l’Etat dans ses droits, cette mise en place tardive aura inévitablement des incidences sur ses performances.
Sur quelle matière de base la Commission dont les membres prêteront serment dans les jours à venir va-t-elle travailler ? C’est la question que nombre de Nigériens se posent aujourd’hui.
Conduira-t-elle-même ses propres investigations sur des faits de détournement et de compromission de biens publics portés à sa connaissance ou va-t-elle s’appuyer sur les rapports d’enquête déjà existants de l’inspections générale d’Etat, de l’Inspection Générale des Finances (IGF), de la Halcia et de la Cour des Comptes ?
Il y a là deux postulats, mais la deuxième semble la plus envisageable puisqu’il s’agit juste de remâcher un travail qui a été déjà fait par des enquêteurs, autrement plus aguerris que nombre de membres de l’équipe de la Coldeff qui a été publiée.
Ce sont des centaines de dossiers d’investigations sur des crimes financiers et économiques, qui devraient normalement connaître une suite judiciaire depuis sous le régime déchu des camarades roses et assimilés, mais qui ne l’ont malheureusement pas été, à cause notamment de certaines considérations et interférences politiques dans le champ judiciaire.
La deuxième option consistera pour la Coldeff à chercher à s’intéresser prioritairement à de nouveaux faits d’atteinte aux deniers et biens publics portés à sa connaissance qui nécessitera un nouveau travail d’investigations, avec tout ce que cela comporte comme risque de ne pas prospérer jusqu’au bout.
Parce que tout simplement les personnes citées dans les dossiers ont eu le temps de faire disparaître les preuves de leur culpabilité ou de dissimuler les biens acquis dont on les soupçonne.
Pour sûr, ils sont nombreux les dignitaires du régime déchu présumés impliqués dans de grosses malversations financières et autres formes de gabegies, qui ont eu le temps de s’enfuir du pays et même donner à distance des instructions à des proches parents pour dissimuler l’origine de certains biens mal acquis, de crainte justement de les perdre dans le cadre de l’opération de la Coldeff.
C’est dire que la Commission a de grains à moudre pour donner entière satisfaction aux Nigériens qui veulent voir les dignitaires de l’ancien régime et les cadres et opérateurs économiques associés à leur gabegie à visage découvert répondre de leurs actes devant la justice.
La crainte légitime aujourd’hui des citoyens, c’est de revivre le spectacle des précédentes transitions militaires où les Commissions ont déçu les attentes placées en elles, à l’issue de leur mission.
Non pas qu’elles n’ont pas travaillé, mais c’est le relais, à savoir l’appareil judiciaire, qui n’a pas fonctionné comme il doit. Parce que tout se joue véritablement au niveau de ce maillon de la chaîne. Il suffit simplement de faire en sorte qu’il joue convenablement sa partition dans la traque contre les délinquants à col blanc et en boubous amidonnés pour obtenir des résultats probants.