L’affaire MEBA, tel un spectre du passé, ressurgit, défiant la chronologie des urgences judiciaires et interrogeant la cohérence de l’ordre judiciaire. Après dix-huit longues années, alors que les affaires encore fumantes de la Renaissance mettant en jeu des milliards de francs CFA attendent un début d’exécution judiciaire, la réouverture de cette vieille plaie semble autant inopportune qu’étonnante.
En 2005, sous l’égide de Tandja Mamadou, deux milliards de francs CFA s’évaporaient dans les coulisses obscures de l’affairisme, éclaboussant le Ministère de l’Éducation de Base et de l’Alphabétisation (MEBA). Ce scandale, qui semblait avoir été relégué aux archives poussiéreuses du temps, refait surface sous l’impulsion du Parquet Général près la Cour d’Appel de Niamey, qui réclame aujourd’hui la détention de 46 accusés. Mais pourquoi maintenant ce regain d’intérêt pour un dossier que l’on croyait enfoui sous la poussière des archives judiciaires ? Le coup d’État du CNSP du 26 juillet 2023, instaurant un changement de régime ? Ou assistons-nous simplement à la résurgence d’une justice qui, tel un Phénix, renaît de ses cendres pour réclamer des comptes ? Cette décision judiciaire est-elle un sursaut de conscience ou une diversion commode ?
Il est vrai que la lutte contre l’impunité est un principe louable et nécessaire, un pilier indéniable de l’Etat de droit. Toutefois, l’incohérence flagrante de la justice à prioriser une affaire presque oubliée, tandis que des dossiers plus récents et plus conséquents attendent encore, dénote une certaine incohérence, voire une diversion judiciaire qui pourrait être perçue comme un rideau de fumée dissimulant les manquements actuels.
Les scandales récents, ’les minutes d’Areva’’, ‘’l’affaire Unraniumgate’’, ‘’l’affaire Africard’’, ‘’l’affaire achat de l’avion présidentiel’’, ‘’l’affaire Zakaï’’, ‘’l’affaire Ibou Karadjé’’, ‘’l’affaire MDN’’ et bien d’autres, impliquant des sommes astronomiques, semblent relégués au second plan. Ces affaires brûlantes, dont certaines instructions sont bouclées, restent en suspens, éclipsées par le retour d’un dossier ancien, pourtant clos par le remboursement intégral par l’Etat des fonds détournés. Cette démarche suscite des interrogations légitimes sur les motivations réelles de la justice, sur son indépendance et sur son impartialité.
Le temps de la justice ne devrait pas être celui de l’oubli sélectif ou de la manipulation politique, mais plutôt celui de l’équité et de l’urgence. La relance de l’affaire MEBA, dans ce contexte, n’est pas seulement une question de justice rendue, mais aussi un symptôme d’un système judiciaire qui semble privilégier les vieux dossiers au détriment des affaires actuelles, plus pertinentes et plus préoccupantes. Il est crucial que le système judiciaire nigérien se concentre sur les affaires qui exigent le plus immédiatement son attention, pour ne pas devenir le théâtre d’un passé qui occulte et étouffe les exigences pressantes du présent.