La posture ambiguë de l’Algérie sur des sujets cruciaux au Mali, au Burkina Faso et au Niger ne cesse d’interloquer les observateurs. Tout d’abord, levons toute équivoque. Nous parlons de l’Algérie de Tebboune, celle qui a succédé à l’Algérie militante, quand toute l’Afrique sub-saharienne prenait ce pays pour un Grand Frère. De Ben Bella, le premier président de cette République, à Bouteflika, cette ex-colonie française a toujours été aux avant-postes de la lutte protéiforme de libération de tout notre continent. Réputés progressistes et militants, les Algériens ont étendu leur aura à toute la planète, et à tous les opprimés de par le monde, qu’ils soient Blancs, Noirs ou Jaunes. Tous, savaient qu’ils auraient bon accueil à Alger qui ne cachait pas ses postures d’engagement solidaire, quel que soit le prix à payer. Que de fois, la France et l’Oncle Sam, n’ont-ils pas eu l’occasion de darder des yeux réprobateurs sur ce pays fier, combatif, et surtout, solidaire de tous les « damnés de la terre » ?
Les insurgés sud-Africains de l’ANC en savent quelque chose. Ce n’est pas pour rien que Nelson Mandela, a réservé pour l’Algérie son premier pas à l’extérieur de son pays, dès qu’il a accédé à la magistrature suprême. Pareillement, Patrice Lumumba et d’autres, savaient qu’en cas de coup dur, un pays frère, était là, pour leur porter secours, l’Algérie. Et même les fameux « Blacks Panthers », avec Stockely Carmichael des Etats-Unis d’Amérique, cherchant à recouvrer leurs droits civiques, se mettaient, au vu, et au su, du monde entier, sous l’aile protectrice du grand frère Maghrébin. Bref, l’Algérie a été très longtemps un phare pour le continent Africain, voire, pour les pays non alignés, comme elle. Puis les choses ont évolué. Abdelaziz Bouteflika a voulu s’éterniser au pouvoir malgré son âge canonique. Ce fut alors les ‘’ Hiraks ’’ bouleversant tout sur leur passage, favorisant l’arrivée impromptue d’un iconoclaste militaire dénommé Abdelmadjid Tebboune.
Nouvelle donne
Peut-on dire que la rivalité héréditaire avec le Maroc ait joué sur l’évolution des rapports Algérie- Afrique subsaharienne ? Très certainement, car le royaume chérifien s’est résolument lancé, de manière probante, au sud, avec, notamment, son entrée à la CEDEAO comme 16eme membre, et son initiative toute récente d’offrir un débouché sur l’océan atlantique, aux pays sahéliens enclavés. Mais, c’est surtout l’équilibre des emprises exogènes qui guident la stratégie de l’Algérie par rapport à l’Hexagone. Rien de déterminant ne peut se faire sans son aval, clair et net. Le pays de Macron est obligé d’en tenir compte. D’autant plus que le poids des Algériens résidant en France, (quatre millions pour la diaspora dont un million, stricto sensu, d’émigrés) ou ayant la double nationalité (un million) pèse de plus en plus sur les grandes orientations socio-politiques de ce pays. Mais la France ne manque pas d’atouts pour tenir en respect Tebboune, qui a nommé un Premier Ministre le 12 novembre dernier à 13 mois des présidentielles… Il va sans dire que le président Algérien, en place depuis décembre 2019, ne souhaite pas des complications avec ses compatriotes vivant dans l’Hexagone, et exposés à des subtiles orientations dans une direction ou une autre. Donc, Tebboune doit lâcher du lest pour ne pas déplaire à Macron sur le dossier brûlant de l’irrédentisme touareg. Un ‘’adjara’’ feutré est en cours, au détriment des pays du Sahel.
La mémoire courte
Ahmed Ben Bella (1963-65), Houari Boumediéne (1965-78), Chadli Bendjedjid (1979-92), Mohamed Boudiaf (1992) et jusqu’à Lamine Zeroual (1994-99) et Abdelaziz Bouteflika (1999-2019), aucun de ces présidents n’a oublié que des Africains, notamment Maliens, ont refusé d’aller les combattre sous l’égide du drapeau tricolore, au moment où ils ont tenté de s’émanciper. Tous jouissaient d’une légitimité qui les dispensaient de solliciter des appuis extérieurs. Peut être est-ce moins évident pour Tebboune ? Certains ont la mémoire courte quand ça les arrange. Mais l’Algérie profonde, celle que nous estimons et admirons, ne peut être rangée dans cette catégorie précitée. Nous préférons croire qu’il y a eu un accident de parcours obstrues. Dès lors, il faut se dire que tout passe, tout lasse, tout casse… excepté le Peuple, qui demeure.