Les réseaux sociaux, lesquels se définissent comme un ensemble de technologies (sites internet, plateformes web, applications mobiles) qui permettent à leurs utilisateurs et utilisatrices d’entrer en relation (publiquement et/ou de façon privée) et d’échanger des informations ou contenus divers (messages, images, vidéos, liens url), attirent tout le monde : adolescents, jeunes et vieux ; intellectuels et illettrés ; riches et pauvres ; stars et parfaits inconnus… Ces réseaux sociaux constituent un espace hybride, à la fois public et privé, où tous les types de parole sont égalisés par une immédiateté et une forme d’impunité, qui encouragent les excès, le mélange des genres, le retour d’une nature où l’absence de principes extérieurs aux débats rend impossible leur résolution, voire leur construction pacifique. Comment la justice, qui est une institution, qui a besoin de recul et de continuité, peut-elle se préserver de ces dangers, sans toutefois se priver des vastes possibilités offertes par ces plateformes ? C’est pour tenter de répondre à cette interrogation, et à bien d’autres encore, que l’Association des Jeunes Avocats du Niger (AJAN) a organisé ce samedi 24 juin, à Niamey, une conférence-débat sur le thème « Influence des réseaux sociaux sur les décisions de justice. » Le panel est composé de Nani Soly Sidikou, président du tribunal d’arrondissement communal Niamey II et secrétaire général adjoint du SAMAN, Mounkaila Yayé, avocat, ancien bâtonnier, et Bana Ibrahm, influenceur. La modération est assurée par Souleymane Seydou, avocat.
Dans son allocution de bienvenue, le président de l’AJAN, a indiqué que le choix du thème de la conférence-débat est parti d’un constat général : désormais ce n’est plus le verdict des tribunaux qui consacre l’innocence ou la culpabilité des personnes, mais la rumeur sur les réseaux sociaux. « Sur la justice, l’influence des réseaux sociaux est marquante car utilisés par des lanceurs d’alertes et autres activistes pour dénoncer des délits ou des crimes et permettre parfois même d’appréhender plus vite leurs auteurs. Aujourd’hui, des victimes se sentent davantage encouragées et épaulées par la communauté des internautes lorsqu’elles portent plainte », a déclaré Me Boubacar Ali.
Cette conférence-débat, qui a donné la parole également au public, a permis de discuter sur les avantages et les inconvénients de l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre d’affaires pendantes devant la justice ou d’affaires susceptibles d’aller devant la justice. Il ressort globalement de l’intervention des trois conférenciers que les réseaux sociaux sont d’indispensables outils de communication personnels et professionnels et qui portent toutefois en eux des dangers qu’il vaut mieux cerner avant d’en faire les frais. Sur les réseaux sociaux, le temps nécessaire à la réflexion est supprimé, le moment où vous voulez amener un propos nuancé, c’est déjà trop tard, a dit en substance le juge Nani. « En matière de harcèlement, le réseau social provoque un harcèlement en meute, même pour quelque chose de mineur », a déclaré Me Mounkaila Yayé de son côté. Pour l’influenceur Bana Ibrahim, « les réseaux permettent une prise de conscience collective sur certains sujets qui affectent la société. » Au Niger, aucune étude ne permet de mesurer l’impact des réseaux sociaux sur les décisions judiciaires. La conférence-débat a toutefois souligné la nécessité pour la justice, colonne vertébrale de notre société, de s’adapter à cette nouvelle dimension du vivre ensemble. Pour le juge Nani Soly Sidikou, la mission de la justice étant de défendre l’ordre établi, il y a paradoxe à la jeter dans l’arène de ceux qui en débattent et à la soumettre aux tentations de l’enfreindre impunément.