Beaucoup de Maliens se souviennent de cette déclaration sidérante d’un combattant du CMA, groupe armé solidement implantée à Kidal, affirmant qu’à Bamako, « on peut spéculer et rêvasser sur tout ce que l’on veut, mais que la seule vérité qui compte, est celle du rapport des forces sur le terrain ! » Sûr de lui et dominateur, l’homme avait sereinement débité ses propos ahurissants, sachant qu’il bénéficiait, ad vitam Aeternam, du soutien occulte de la France. Mais cela n’est pas tombé dans les oreilles de sourds. Tant et si bien que Kidal et ses environs sont devenus pour les Maliens en particulier, et les Sahéliens en général, le point focal de tout recouvrement total de souveraineté nationale.
Au vu des derniers évènements, avec le désengagement progressif de la Minusma, qui doit céder ses emprises à l’armée nationale malienne, la donne a complètement changé. Certes, il y aura encore des combats d’arrière-garde pour freiner ou retarder l’inéluctable, à savoir l’occupation pleine, entière et exclusive de la ville symbole par les troupes gouvernementales. Ce sera alors un tournant décisif pour les irrédentistes Touaregs et les djihadistes de tout poil. Mais quelles conséquences prévisibles pour le Mali, le Niger et tout le Sahel ? Chronique d’une spirale dépressive annoncée.
La spirale dépressive
Quand la déferlante djihadiste et irrédentiste touareg a envahi le septentrion Malien, on a tôt fait, à grands renforts d’amplifications médiatiques, de proclamer Kidal, berceau d’un Azawad immédiatement indépendant. Mais, cela n’a duré que quelques jours, car les djihadistes, plus préoccupés par le salut des âmes que par la politique politicienne, de libération territoriale, plus nombreux et mieux armés, ont, sur le champ, chassé de Kidal les trublions qui leur faisaient, quelque peu de l’ombre. Au bout du compte, un modus vivendi a été trouvé, d’autant plus facilement que les irrédentistes étaient manifestement soutenus par une ou des puissances extérieures. Tout le monde y trouvait son compte. C’est ainsi que Kidal s’est métamorphosé en sanctuaire de tout ce que la terre compte de rebus de la société, c’est-à-dire, les narco trafiquants, les trafiquants de drogue d’organes humaines, bref, le refuge idéal des preneurs d’otages, et le lieu privilégié des retours d’expéditions meurtrières, aussi bien au Mali, au Burkina Faso, qu’au Niger. On le voit : un genre de far-west, disons donc far-north, une ville sans foi, ni loi. Une pétaudière susceptible de métastaser toute la région.
Avec la complicité active de la Minusma et de la France, la tête de pont ainsi créée s’est renforcée au point d’interdire l’entrée de la ville à un Premier Ministre, Moussa Mara, qui a essuyé des tirs nourris lors de sa tentative, et a dû se replier, toute honte bue. Depuis lors, la descente aux enfers a commencé pour les insurgés de Kidal et le mouvement s’est accéléré avec le départ des troupes françaises de Barkhane, d’abord du Mali, puis du Burkina Faso, et enfin du Niger. Plus grave encore, le désengagement programmé de la Minusma pose le problème crucial de la rétrocession de ses emprises. Ces dernières, naturellement, sont l’objet d’âpres combats. Il va sans dire que la souveraineté du Mali, tôt ou tard, s’étendra sur tout son territoire, y compris Kidal. C’est inéluctable. Au mieux, pour les combattants armés, on assistera à une longue guerre d’usure, si, d’aventure, l’Algérie, l’élément clé de la résolution de cette crise, s’adonne à un jeu ambigu, pour favoriser ses propres desseins. En Afrique, les choses ont une âme, les villes aussi. Ce Kidal va mourir et ressusciter sous une autre forme.
Un abcès qui gangrénait toute la région
Pour le Niger, le Burkina Faso, et bien entendu le Mali aussi, si le verrou Kidal saute, les combattants armés de toute nature n’auront plus de point de repli fiable. Ce qui, indubitablement, contribuera à les fragiliser, voire, à dynamiter toutes leurs bases. C’est dire que l’occupation de Kidal par les forces gouvernementales Maliennes sonnera le glas des prétentions djihadistes ou/ et irrédentistes. Le même sort est réservé tout naturellement, aux excroissances des trafics en tous genres qui s’y sont greffées. D’ici quelques semaines, cet espoir sera une réalité. L’armée Malienne, aidée de Wagner, étant montée en puissance, aura rempli sa mission première. Peut-on alors craindre une alliance transnationale de toutes les rébellions touarègues pour enrayer la dynamique envisagée ? Qui sait ? Quoi qu’il en soit, il y a le vent de l’histoire qui souffle dans une direction et comme le dit le Sage, « si nous ne pouvons le maîtriser, feignons, au moins, de l’accompagner ! »