L’opération « mains propres » lancée par le président de la République est en mode ‘’PAUSE’’. De l’avis général, la lutte contre la corruption a perdu de son allant. Bazoum Mohamed a-t-il cédé aux pressions du clan Issoufou ?
Le menu fretin
« J’ai toujours fait part de mon engagement à lutter contre la corruption et l’impunité. Je voudrais faire observer à ceux qui semblent douter de la sincérité de mon engagement en la matière que jamais les prisons du Niger, sous aucun régime depuis notre indépendance en 1960, n’ont compté autant de cadres de l’Etat privés de leur liberté pour fait de corruption ou de détournement de deniers publics ; en effet de l’affaire dite Ibou Karadjé impliquant des cadres du ministère des Finances en passant par celles de la Sopamin, de TAANADI, de la CNTPS, jusqu’à celle récente de la BAGRI, notamment, ce sont plusieurs personnes qui croupissent en prison », a déclaré Bazoum Mohamed à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux pour l’année 2023 aux institutions de la République, ce 13 janvier 2023. Sauf qu’aux yeux des Nigériens, ces ‘’cadres emprisonnés’’ dont parle le chef de l’État ne sont, pour l’essentiel, que des lampistes, du menu fretin. Ibou Karadjé, un ‘’petit commis’’ de l’État, n’est que l’agneau sacrificiel destiné à couvrir les actes blâmables de quelques pontes du régime en place. C’est du moins l’opinion la plus partagée au sein des citoyens. Ces derniers s’attendent à voir de gros poissons pris dans les nasses de la justice. Pourtant, ce ne sont pas des ‘’dossiers explosifs’’ qui manquent.
Seul, sans soutiens
Les citoyens attendent le président de la République sur des dossiers nettement plus conséquents. On sait qu’il a ordonné une série d’Inspections Générales d’État (IGE) dans des ministères (Primature et l’Équipement, notamment) mais aussi au sein des entités de premier plan comme le Haut Conseil pour l’Investissement au Niger (HCIN) et l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence de l’Union africaine (Agence UA Niger). Aucune suite n’a été donnée à ce jour à ces IGE. La machine s’est enrayée, on dirait. Tout laisse croire que le chef de l’État hésite à aller plus loin. Pour nombre d’observateurs, Bazoum Mohamed est bien seul dans ce combat qui risque de faire des gros dégâts dans les rangs des Tarrayistes. C’est sans doute la raison pour laquelle aucun ponte du parti au pouvoir n’a ouvertement apporté son soutien au chef de l’État dans sa croisade anti-corruption. Idem parmi les alliés du régime en place. Pas un leader de la mouvance présidentielle n’a montré la moindre volonté d’appuyer Bazoum Mohamed dans son projet d’en finir avec la criminalité financière. L’on comprend pourquoi le président de la République est beaucoup plus dans le dire que dans le faire quand il s’agit de lutter véritablement contre la corruption.
En mode ‘’Pause’’
Inutile de faire remarquer que ces IGE sont comme un gigantesque étau qui risque de se resserrer autour de plusieurs proches collaborateurs de l’ex président de la République. En gardant sous le coude les rapports des audits qu’il a personnellement ordonnés, Bazoum Mohamed veut-il s’éviter un choc frontal avec le clan de son prédécesseur et mentor ? Rechigne-t-il à taper dans les rangs de sa propre famille politique et au délà de la majorité au pouvoir de crainte de déclencher quelques hostilités potentiellement dévastatrices pour son régime ? Pour nombre d’observateurs, cela ne fait aucun doute, le président de la République a mis sa lutte contre la corruption en mode ‘’PAUSE’’. Bazoum Mohamed est bien conscient de l’extrême fragilité de son pouvoir, il se doit de prévenir toute brouille à même de mettre le feu aux poudres, pour ainsi dire. Il est évident que le clan Issoufou en proie à un mécontentement grandissant, le président de la République est sur une ligne de crête. Il doit parer au plus pressé afin de se maintenir en place. La lutte contre la corruption peut attendre.