Connivence mafieuse entre lotisseurs et services domaniaux…
Alors que l’État a mis fin aux autorisations de lotissements privés en 2019, après le capharnaüm occasionné par une décennie de libéralisation, les lotissements privés continuent de faire parler d’eux dans les tribunaux du pays. Ce mercredi 11 mai 2022, le Directeur des affaires domaniales (DAD) du 4e Arrondissement de Niamey au moment des faits, Adamou Ndoli, et Doudou Boubacar, lotisseur privé, ont comparu devant le pôle économique e financier du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey pour association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie. Les faits portent sur le lotissement du canton de Saga dont M. Issaka Boureima (plaignant) avait obtenu l’autorisation d’opérer en 2009. Plusieurs mois après le début des opérations, le titulaire de l’arrêté de lotissement s’était retrouvé en prison pour des raisons que nous ignorons. C’est ainsi qu’Issaka Boureima, depuis sa cellule, a donné une procuration à Doudou Boubacar pour poursuivre le lotissement à son nom. Le titulaire de l’arrêté a pour ce faire pris le soin de prévenir le DAD de sa décision. Seulement, ce dernier va nouer une relation de connivence sur fond de corruption avec le nommé Doudou au nom de qui il fera établir les actes de cession de 483 parcelles du lotissement Sorey Koubou dans le canton de Saga. Or, le DAD, technicien de la chose, n’ignorait pas qu’après tout lotissement les parcelles sont toujours établies au nom du titulaire de l’arrêté (ici en l’occurrence Issaka Boureima) ou au nom du Maire quand il s’agit d’un lotissement opéré par la mairie.
« J’ai accepté de signer les actes au nom de Boubacar car il est autorisé », tente de se justifier le sieur Ndoli, faisant allusion à la procuration reçue par son co-prévenu. «Procuration ne signifie pas renonciation », fait constater le juge qui demande à l’agent municipal : « Est-ce que Issaka vous a dit qu’il a renoncé à sa propriété ? » ‘’Non’’, répond le sieur N’Doli.
Si le DAD tente de masquer sa connivence avec Doudou, celui-ci, de son côté, ne s’en cache pas. À la question du juge de savoir où sont les 483 parcelles, il répond qu’elles sont toutes vendues et que les gens de la mairie ont ‘’mangé dans l’argent’’. « Qui a mangé à la mairie demande le juge ? » « Le directeur (NDLR : ici le DAD) », répond Doudou Boubacar.
« Que lui avez-vous donné ? » « De l’argent, des voitures ou des parcelles ? » « Tout, répond le prévenu. De façon détaillée, le DAD a reçu la somme de 5 millions FCFA, 4 véhicules et plusieurs parcelles», selon Doudou Boubacar. La générosité de Doudou Boubacar envers celui qu’il a présenté au tribunal comme son conseiller a visiblement donné des inspirations à celui-ci.
Le même arrêté utilisé pour opérer plusieurs lotissements
De par la loi sur l’urbanisme, un arrêté de lotissement attribué par le ministère de l’Urbanisme devrait porter sur un espace géographique bien déterminé mentionné sur l’arrêté. Or, dans le cadre de ce lotissement dans le canton de Saga, le même arrêté a servi à faire 6 lotissements au lieu d’un seul selon les informations contenues dans le dossier de l’instruction. Comment cela est-il arrivé ? Qui a été responsable de ces lotissements ?
Selon Doudou Boubacar, le Directeur des affaires domaniales (DAD) a été son conseiller dans le cadre de ces lotissements. Il a indiqué devant le juge que le DAD lui a plusieurs fois fait signer des documents dont il ignorait le but, lui qui ne sait ni lire ni écrire. Doudou Boureïma accuse son présumé complice d’avoir effectué d’autres lotissements en son nom : « comme je n’ai pas étudié, je ne sais ni lire ni écrire, il a fait d’autres lotissements à mon nom » déclare le lotisseur qui explique : « à chaque fois, il me présente des paperasses que je signe sans comprendre». Lesdits lotissements concernent Saga Gourou Nord-Est, Additif Saga Gourou entre autres pour un total de 1.187 parcelles d’un montant estimé à un peu plus de 1,4 milliard FCFA.
A l’issue des débats, pour le Parquet, il ne fait aucun doute, les prévenus sont coupables des faits d’association de malfaiteurs, d’escroquerie et de blanchiment de capitaux (pour Doudou Boubacar). C’est pourquoi il a requis 2 ans d’emprisonnement ferme et 100. 000 FCFA d’amende pour chacun des deux (2) prévenus. Le délibéré est prévu pour le 8 juin prochain.
Aux dernières nouvelles, nous apprenons que c’est le même Adamou N’Doli, empêtré dans cette scabreuse affaire, qui a été nommé tout récemment, Directeur des Affaires Domaniales (DAD) par Oumarou Dogari à la Mairie Centrale de Niamey. Affaire à suivre…