Dimanche 28 janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, trois pays gouvernés par des juntes militaires, ont annoncé leur « retrait sans délai » de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette décision, déclarée simultanément sur les ondes des télévisions nationales des trois pays, représente un acte de défiance sans précédent envers une institution régionale longtemps considérée comme un pilier de stabilité et de coopération.
Les raisons d’une rupture
Les dirigeants militaires des trois (3) nations justifient cette rupture par les « sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables » infligées par la CEDEAO, qu’ils accusent de devenir « une menace pour ses États membres et les populations ». Ce retrait, au-delà de ses motivations officielles, met en exergue une crise profonde au sein de l’institution régionale et soulève d’importantes questions sur l’avenir politique et économique de la région.
Les conséquences d’une décision audacieuse
Le retrait de ces États de la CEDEAO n’est pas sans conséquences. On anticipe déjà des répercussions économiques et sociales significatives, telles que l’augmentation des tarifs douaniers et les perturbations du système d’import-export, sans oublier la possible réinstauration de visas. Ces changements pourraient affecter de manière conséquente les échanges régionaux et la vie quotidienne des populations.
Vers un prolongement du pouvoir militaire ?
Un autre aspect crucial de ce retrait concerne la gouvernance interne des trois (3) pays. Libérés de leurs engagements régionaux en matière d’échéances électorales, les juntes militaires au pouvoir pourraient être tentées de prolonger leur règne. Au Mali, la présidentielle prévue en février 2024 a déjà été reportée sine die, laissant entrevoir une volonté manifeste du colonel Assimi Goïta à ne pas céder le pouvoir. Cette tendance se confirme au Burkina Faso, où le calendrier électoral, initialement fixé à trois (3) ans, pourrait être réévalué à la lumière des déclarations d’Ibrahim Traoré, qui priorise la lutte contre les groupes jihadistes sur l’organisation des élections. Le calendrier électoral désormais incertain laisse entrevoir la possibilité d’un maintien prolongé au pouvoir. Le Niger, également membre de l’AES, semble suivre une voie similaire. Les négociations de la CEDEAO avec le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui visaient à lever les sanctions imposées au pays devraient être abandonnées.
Une manœuvre pour le maintien au pouvoir
Ce retrait de l’Alliance des États du Sahel (AES) de la CEDEAO, présenté comme une décision historique et souverainiste, pourrait dissimuler en réalité des enjeux de pouvoir internes. Les régimes militaires putschistes semblent chercher à s’affranchir des contraintes démocratiques imposées par la CEDEAO pour se maintenir au pouvoir. En quittant donc l’institution régionale, ces États semblent chercher à échapper à l’influence régionale qui pourrait contraindre leur liberté d’action. Ce retrait stratégique sert donc un double objectif : il offre une plus grande marge de manœuvre aux régimes militaires pour consolider leur pouvoir tout en éloignant les influences extérieures susceptibles de favoriser un retour à l’ordre démocratique. Ces stratégies soulignent un phénomène inquiétant dans la région : l’utilisation de la souveraineté nationale et de la sécurité comme justifications pour éviter les obligations démocratiques.