Sous le régime actuel, les marchés publics sont pour beaucoup de Nigériens synonymes d’obscurité, d’un univers de fraude et de favoritisme où se déroulent nombre de tractations secrètes entre acteurs publics et entreprises. Comme pour confirmer cela, l’on a entendu le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou déclaré récemment que les communications sur les marchés publics faites en conseil des ministres ne sont pas destinées au public. Or qui dit marchés publics, dit deniers publics.
Dès lors, la transparence s’impose à tous les acteurs et à toutes les étapes de la commande publique. La transparence est un impératif fondateur du droit des marchés publics, dit-on. C’est au travers de la mise en œuvre d’une transparence sincère et véritable que l’image des marchés publics peut et pourra être redorée et que le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés se trouvera renforcé. Mais tout cela ne semble pas être une préoccupation sous la ‘’Renaissance’’. Fort heureusement, la Banque mondiale est très regardante sur les marchés qu’elle finance. Elle a en effet adopté un nouveau Cadre de passation des marchés entré en vigueur le 1er juillet 2016. Celui-ci concerne les achats de biens et de services consentis par les pays au titre de projets financés par la Banque et il s’applique à tous les projets d’investissement dont la note conceptuelle aura été réalisée à partir du 1er juillet 2016. Ce nouveau cadre, placé sous la direction du pôle mondial d’expertise en Gouvernance avec le concours du département Politique opérationnelle et les services aux pays, a été conçu pour accroître la souplesse, l’efficacité et la transparence du processus de passation des marchés, dans l’objectif de mieux répondre aux besoins des pays clients. C’est ainsi que la Banque mondiale a étudié de près le marché de travaux de réhabilitation et d’entretien pluriannuel du corridor transsaharien (RN 11 Nord) entre Agadez et Zinder, lot 2 : réhabilitation : Tiguidit-limite régions Agadez/Zinder longues de 171 km, dans le cadre du Projet d’amélioration de la connectivité dans le Nord-Est du Niger (PACNEN). Pour ce marché routier à obligation de résultats, la Banque mondiale avait épinglé l’entreprise BABATI. Mais le Gouvernement semble en faire fi, ledit marché ayant fait l’objet d’une communication du Ministre de l’Equipement lors du Conseil des Ministres du 13 avril 2023.
Dans une lettre datée du 25 juillet 2022, le Représentant résident de la Banque mondiale au Niger, Han Fraeters, attirait l’attention du Ministre de l’Equipement, Moctar Gado Sabo, sur le fait que son institution « est en possession d’informations qui soulèvent des préoccupations importantes quant aux qualifications du groupement BABATI/UNASEL. » Comment ce groupement avait-il été préqualifié ? Qui l’avait recommandé pour l’attribution du marché ? Sur la base de quelles qualifications ? Pour la Banque mondiale, le Ministère de l’Equipement aurait dû chercher à s’assurer que le groupement BABATI/UNASEL « possède effectivement les qualifications présentées et répond aux exigences stipulées dans les documents d’appel d’offres. » Mais cette vérification n’a pas été faite. L’entreprise BABATI était-elle pistonnée par un homme politique ? Cette vérification sera finalement faite par les services de la Banque mondiale. Les informations recueillies « soulèvent des inquiétudes quant aux qualifications de BABATI/UNASEL pour exécuter le contrat. » Parmi ses expériences qualifiantes, le groupement BABATI/UNASEL a présenté un contrat réalisé par UNASEL dans l’Etat de Nassarawa, au Nigeria. Mais le Ministère des Travaux et des Transports de cet Etat a informé la Banque mondiale que le contrat en question n’a jamais été signé avec UNASEL. Cette entreprise n’a pas non plus été choisie pour un contrat de génie civil dans le cadre de la construction d’une route au Nigeria. La vérité, UNASEL est dans le transport aérien au Nigeria.
Le groupement BABATI/UNASEL se serait-il rendu coupable de faux et usage de faux ? Au regard des fausses informations ci-dessus mentionnées, la Banque mondiale a demandé au Ministre de l’Equipement de « procéder à une diligence supplémentaire sur les qualifications de BABATI/UNASEL. » Moctar Gado Sabo avait-il répondu à cette exigence du bailleur de fonds ? S’est-on préoccupé de la crédibilité de l’Etat dans ce dossier, si tant on est dans un pays normal ?