Ce 26 mai 2023, le Niger et le groupe chinois SINOPEC ont signé, à Niamey, un mémorandum d’entente en vue d’accompagner notre pays dans la transformation de son potentiel pétrolier. A cette occasion, le Ministre du Pétrole, Mahamane Sani Mahamadou, a déclaré : « Grâce aux mesures prises par le gouvernement afin d’améliorer l’environnement des affaires et grâce à la finalisation très prochainement du pipeline Niger – Bénin long de 2 000 km, le Niger est à présent une destination de choix pour les groupes pétroliers qui ambitionnent d’investir dans l’exploration, la production et l’exportation du pétrole brut. » Mais il n’y a-t-il pas lieu de ramener le Ministre du Pétrole sur terre, lui qui semblait être sur un nuage ?
On aura beau recourir à des experts français pour accompagner les régies financières nigériennes (DGI, Douane, DGT/CP), les réformes engagées pour une meilleure mobilisation des recettes fiscales ne donneront pas des résultats satisfaisants tant que les multinationales opérant au Niger dans le domaine pétrolier, censées être une source importante de recettes fiscales pour l’Etat nigérien, continueront à gruger le fisc en ne reversant pas souvent la TVA ou en utilisant des procédés complexes et opaques pour dissimuler leurs vrais chiffres d’affaires. En 2020, le secteur du pétrole ne représentait qu’environ 4% du PIB et 19% des recettes fiscales. Fortes de leurs accointances politiques au sein du pouvoir, ces multinationales refusent également de s’acquitter de l’impôt sur les bénéfices des non-résidents (article 47 du Livre I, Titre I et Section I du Code général des impôts). Ici, le taux de la retenue est de 16% du montant hors TVA de la rémunération sans abattement pour frais professionnels (article 48). La convention signée par le Niger avec la West African Oil Pipeline Company (Wapco), filiale de la CNPC et maître d’ouvrage du pipeline qui doit relier les puits pétroliers du gisement d’Agadem au port béninois de Sèmè, ne serait-elle pas une arnaque fiscale ? Wapco ne serait-elle pas exonérée de toute taxe fiscale, de même que ses prestataires étrangers ? Cette convention inique n’aurait-elle pas été imposée à la Direction Générale des Impôts (DGI) par le politique ?
Avec l’effondrement continu des revenus tirés de l’uranium, le Niger mise sur l’or noir pour doper son budget. Mais le pays le réussira-t-il ? Ce qui est sûr, les multinationales se sont engouffrées dans la convention de non double imposition pour échapper au fisc nigérien. Cette convention signée le 1er juin 1965 entre la France et le Niger permet aux entreprises françaises opérant dans notre pays de payer leurs impôts chez elles où se trouvent leur résidence fiscale. La Sonatrach, le groupe public pétrolier algérien, qui a annoncé avoir fait une « découverte encourageante » de pétrole à Kafra (nord Niger), et la compagnie britannique Savannah Petroleum qui assure pour sa part avoir découvert de nouveaux gisements dans l’Agadem où opèrent déjà les Chinois, ne vont-elles pas à leur tour prendre la France pour résidence fiscale et invoquer cette fameuse convention de non double imposition pour dribbler le fisc nigérien, si ne n’est déjà fait ?
De l’avis d’experts, cette convention est totalement déséquilibrée au détriment du Niger. Le gouvernement pourrait-il faire preuve de courage politique pour revisiter cette convention, lui qui ne cesse de presser la DGI pour collecter plus de ressources fiscales ? Dans son Plan stratégique 2018-2021, la DGI voyait dans cette convention un sérieux obstacle à une très bonne mobilisation des recettes fiscales. En RD Congo où le politique a l’intérêt national chevillé au corps, ce pays et la Chine ont annoncé, dans un communiqué conjoint publié ce 26 mai 2023, avoir « convenu d’évaluer régulièrement leur coopération minière dans l’intérêt à long terme des deux pays ». Kinshasa a souhaité corriger les déséquilibres du méga-contrat « ressources naturelles contre infrastructures » signé entre la RD Congo et la Chine en 2008.