La tentative d’évasion de l’ex président de la République, Mohamed Bazoum, a-t-elle été fantasmée ? Etait-ce un « coup monté » pour, on ne sait, quel bénéfice hypothétique ? Peut-on encore douter de sa matérialité à partir du moment où il y a eu un début d’exécution et de nombreux présumés coupables appréhendés ?
Mission impossible : Saison 6
Sortir subrepticement, à sept (7) de la résidence présidentielle, sévèrement gardée par des militaires aguerris, surarmés, et sur le qui-vive, s’engouffrer dans un véhicule banalisé, garé au vu et au su du tout-venant, à 3h du matin, se cacher durant un temps indéterminé dans une planque du quartier Tchangarey, enfin, en sortir au moment opportun pour s’embarquer dans deux hélicoptères, tombés littéralement du ciel, et mettre le cap sur Birnin Kebbi, au Nord du Nigeria, sans coup férir, sans le moindre accroc ou contretemps, voilà qui relève de « mission impossible », un scenario cousu de fil blanc qu’un producteur avisé de film d’action ne peut que balayer du revers de la mains pour cause d’invraisemblances à toutes les étapes. Pourtant, officiellement, c’est la trame proposée par les autorités en place pour expliquer la tentative d’évasion avortée du président déchu Mohamed Bazoum. Le CNSP s’est fendu d’un communiqué en bonne et due forme pour expliquer et rassurer. Ce narratif, de toute évidence, ne tient pas la route, et on a tôt fait d’avoir des soupçons de coup monté par les tenants du pouvoir. A telle enseigne que Maître Diagne, coordonnateur du collectif des avocats du président renversé, peut se permettre de toiser les putschistes en leur lançant des menaces à peine voilées, à propos du simulacre supposé : « ils auront à répondre de leurs actes ! ». Cette assertion, apparemment anodine dans le domaine judiciaire, nous semble avoir, dans ce contexte particulier, des allures d’une menace inappropriée. Pour le juriste sénégalais, ce ne sont pas les deux ou trois Etats va-t’en guerre, véritables fers de lance des sanctions iniques et inhumaines contre le Niger, qui « auront à répondre de leurs actes » devant le tribunal de l’Histoire, mais des patriotes, imbus de la souveraineté recouvrée de leur peuple. C’est à pleurer de rage ! L’exemple type d’une aliénation culturelle adossée à un « soft-power », apanage arrogant des suppôts d’un néocolonialisme affiché. Mais passons. Montage, c’est probable. Mais perpétré par qui ?
Le CNSP, dans quel sombre dessein ?
Rien, ni personne, ne peut empêcher les militaires détenant le président déchu, Mohamed Bazoum, de restreindre, autant que de besoin, ses marges de liberté relative. Alors, pourquoi le général de brigade Abdourahamane Tiani, s’évertuerait-il à monter un coup aussi alambiqué, pour des prunes ? Nous ne voyons pas. Il faut, de toute évidence, chercher ailleurs.
Les partisans locaux de Bazoum
C’est vrai, il y a toujours, en pareille situation, des têtes brûlées, prêtes à prendre tous les risques pour délivrer leur ami, parent ou leader. Mais au plan local, ils n’ont pas la capacité logistique d’assumer le scenario qui a été divulgué par le CNSP. Du moins, seuls…
L’ombre tutélaire de l’Extérieur
Que ce soit le Nigeria, ou la France, ces deux pays ont des stratèges de haut rang, capables, de planifier une opération commando complexe. Nettement plus probant que celui qui a été proposé. Il s’en suit que ces deux pays pourraient être mis hors de cause, au vu du déroulé irréaliste des faits. A moins que…
A moins que…
… l’objectif visé ne soit pas de libérer Mohamed Bazoum, mais de laisser croire à cette utopie. C’est-à-dire que ses partisans et amis de tout bord et de tout horizon, ne cessent de penser à lui, et de mijoter des plans faramineux pour qu’il retrouve, au plus vite, son fauteuil présidentiel. Mohamed Bazoum, homme extrêmement lucide, s’il en est, n’est cependant pas dupe, et ne peut donc pas gober toutes ces sornettes. Mais il sait aussi que ses partisans ont besoin de tels signaux pour garder le moral. Sans même parler de l’accentuation de la pression sur Tiani et ses compagnons. Tout bien pesé, il jouera le jeu jusqu’au bout.
Il y a eu un coup monté, certes. Mais pas par ceux que l’on croit. On en revient toujours à cette fatidique et mystérieuse main invisible. Et comme on ne prête qu’aux riches… concluez vous-même !