L’année 2024 verra la mise en service de l’oléoduc d’exportation du pétrole brut d’Agadem, s’étendant jusqu’au port de Sèmè au Bénin. L’infrastructure est construite par China National Petroleum Corp (CNPC), l’opérateur des champs pétroliers. Prévue pour début mai, le remplissage des cuves destinées à l’exportation, ouvrirait la voie au chargement du premier tanker.
Dans cette perspective, le CNSP envisage de tirer parti de cette infrastructure pour obtenir un préfinancement, gagé sur les futurs enlèvements du brut. Désireuse d’obtenir les meilleures conditions possibles pour la vente du pétrole, la junte a opté pour une approche ouverte, acceptant de recevoir les propositions de traders privés afin de faire jouer la concurrence avec CNPC.
Parmi les acteurs intéressés, en plus de CNPC, figurent BB Energy et BGN International, négociant turc. Cette démarche est d’autant plus pertinente que le marché pétrolier mondial est sujet à de constantes fluctuations, rendant la diversification des partenaires commerciaux non seulement souhaitable mais essentielle.
A ce titre, le gouvernement a mis en place un comité composé des représentants de la Sonidep, du ministère du Pétrole, du ministère des Finances, du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, M. Alio Daouda et des conseillers spéciaux du Premier ministre Lamine Zeine. Son rôle, obtenir les meilleures offres pour l’Etat du Niger, il reste entendu que seuls le chinois CNPC et le turc BGN international restent en lice.
Seulement, voilà, les négociations s’éternisent. Le contrat sensé être conclu avec l’une des parties depuis le lundi 1er avril peine à être effectif. Une controverse se profile. Des membres du comité sembleraient-ils favoriser la CNPC dans l’acquisition des droits de vente de la part de l’État du Niger du brut d’Agadem, qui représente 25,4 % du volume total, soit près de 110.000 barils par jour ? Cette quantité inclut 90.000 barils par jour destinés à l’exportation.
Entre temps, une délégation turque composée de représentants de BGN International (Une société véritablement turque et non européenne comme certains l’on prétendu pour la saboter auprès du CNSP) est arrivée à Niamey ce mardi et a rencontré le président du CNSP, le général Tiani. Et l’offre de BGN International devrait être présentée au comité ce vendredi à la Primature. Au regard de l’importance du sujet, le PM Lamine Zeine a même annulé un déplacement à l’étranger dans l’espoir de voir un accord aboutir.
L’heure de la décision : CNPC ou BGN International ?
Pour la commercialisation de la part du brut nigérien, la CNSP ne voudrait pas la confier à CNPC et l’avait très clairement exprimé. Leur préférence envers la société turque BGN International s’ancre dans une réalité géopolitique indéniable. En effet, la Turquie s’est montrée un partenaire fiable en acceptant de livrer du matériel militaire au Niger dans un passé récent en soutien à la lutte antiterroriste, alors que le pays n’avait pas totalement payé la commande. Cet aspect ne saurait être négligé, surtout face à l’intensification des attaquesdjihadistes dans la région de Tillabéry. Dans un monde interconnecté, les choix économiques ne peuvent être dissociés des alliances politiques. C’est dire qu’au-delà de la dimension commerciale, il y a une dimension politique que le comité et surtout le Premier ministre Lamine Zeine devraient prendre nécessairement en compte. Parce quequand le choix du partenaire pour la commercialisation du brut d’Agadem sera désavantageux pour le Niger, Lamine Zeine sera le seul responsable devant l’histoire. Il est donc essentiel de prendre une décision qui reflète non seulement la volonté de maximiser les bénéfices économiques, mais aussi de renforcer les alliances stratégiques essentielles pour la sécurité et la prospérité du Niger. La transparence, la justice et la prudence doivent guider ce choix crucial.
En attendant, pourquoi confier la commercialisation de la part du brut de l’Etat du Niger à la CNPC, cela ne va-t-elle pas entraîner un conflit d’intérêts, cette dernière étant déjà impliquée dans l’exploitation du pétrole nigérien ? La sagesse populaire selon laquelle “On ne peut servir deux maîtres à la fois” s’applique parfaitement ici. De plus, le préfinancement proposé par la CNPC (400 millions de dollars US) pâlit en comparaison des gains potentiels (680 millions de dollars US annuellement) que le Niger pourrait tirer, en gérant lui-même la vente de sa part du brut.
Pour le général Tiani, qui s’est engagé à défendre les intérêts du Niger, l’heure est venue de prendre en main le destin économique du pays. Les Nigériens ne sauraient accepter que des intérêts étrangers, en complicité avec des acteurs locaux peu scrupuleux, profitent indûment des ressources pétrolières du pays. La décision du comité devrait transcender les affinités personnelles et autres pour embrasser une vision plus large des intérêts du Niger.