Alors que les autorités béninoises auraient ordonné la réouverture de leur frontière plusieurs semaines avant la décision officielle de la levée partielle des sanctions de la CEDEAO intervenue samedi 24 février 2024, la non-ouverture de celle du Niger oblige encore les voyageurs à emprunter des pirogues pour aller d’une rive à l’autre.
Du côté de Gaya, comme de celui de Malanville, plusieurs quais d’embarquement et de débarquement des passagers ont spontanément vu le jour de part et d’autre du pont reliant le Bénin et le Niger.
Les voyageurs en partance ou en provenance de l’un ou l’autre pays sont systématiquement contrôlés par des policiers positionnés au niveau des quais jusqu’à 18 heures, heure de l’interruption de la traversée, qui reprend le lendemain matin dès 6 heures.
Nous ne savons pas si c’est la même pratique qui est observée sur la rive nigérienne, mais du côté béninois, le contrôle est expéditif. Dès que la barque accoste à la berge, un policier y grimpe immédiatement avec ordre aux passagers de ne pas débarquer, proférant sèchement cette phrase : ‘’Ce n’est pas la peine de nous présenter des documents, quiconque n’a pas une carte d’identité béninoise, c’est mille francs CFA le passage !’’
Et la collecte de l’argent se fait dans la barque. Gare au passager qui n’a que des gros billets sur lui, car il risque d’attendre un long moment à la berge avant de pouvoir récupérer la monnaie. Et souvent, à l’appui, des questions idiotes du genre : ‘’Pourquoi tu n’as que de grosses coupures sur toi ?’’ ‘’Tu veux nous fatiguer ou quoi ? Il ne faut plus que tu le répètes ça, sinon nous allons te refouler chez toi !’’ Mais la misère du passager de nationalité étrangère n’est pas encore finie.
Le Kabu-Kabu ou le tricycle qu’il doit emprunter pour poursuivre sa route fait des acrobaties suicidaires pour arriver en hauteur, la berge étant en bas, avec d’énormes risques de chute mortelle, et emprunter une sinueuse piste escarpée pour arriver en ville. En passant bien évidemment par un autre point de racket où la police béninoise a mis une corde pour arrêter les passagers. Là aussi, il n’y a pas de long palabre.
Dès que le Kabu-Kabu s’arrête à la hauteur de la corde, un des agents assis sur un banc se lève pour la collecte du ticket d’entrée avec le passager. ‘’Gardez sur vous votre pièce d’identité, c’est mille francs !’’ C’est le même refrain, point besoin de chercher à savoir sa nationalité. Le racket est légalisé et permet de collecter d’importantes sommes d’argent, au regard des flux considérables de passagers qui traversent le fleuve d’un sens à un autre entre 6 heures du matin et 18 heures.
‘’Port Tiani’’, un filon inespéré
A Gaya, où le transport urbain est de tout temps assuré exclusivement par les ‘’Kabu-Kabu’’, dès que le passager débarque au niveau d’une gare, il est pris d’assaut par les conducteurs casse-cou de ces motos, avant même que ses bagages ne soient débarqués. ‘’C’est pour aller au port Tiani ? Où sont vos bagages ? Venez, je vais vous y amener rapidement avant la fermeture de la traversée et je connais tous les piroguiers’’.
A la question de savoir, c’est quoi et c’est où le port Tiani ? ‘’Haro Mé Ga, là où les passagers prennent les pirogues pour traverser !’’, nous répond un d’entre eux. Le prix de transport se négocie au préalable et en fonction de l’importance des bagages à acheminer, parce que la distance à parcourir pour y arriver est un peu longue.
Les transporteurs passagers et les bras valides sans travail de Gaya l’ont surnommé ‘’Port Tiani’’ à cause des revenus substantiels qu’ils tirent au niveau de ces quais où les activités sont devenues très intenses depuis la fermeture des frontières béninoises et nigérianes.
‘’Si J’ai 3 ou 4 clients transportant des marchandises à destination du port par jour, ça dépasse de très loin la recette journalière que je réalisais avant la fermeture de la frontière béninoise’’, raconte, souriant, Mansour, un jeune conducteur de moto-taxi.
Pour nous avoir transporté à Gaya où nous étions arrivé la nuit lors de notre première tentative infructueuse de voyage sur Cotonou, il a tenu à prendre notre numéro et il nous appelé à maintes reprises à Niamey pour savoir si nous revenions ou pas. Histoire de fidéliser ‘’les bons’’ passagers [entendez par là, les clients qui font preuve de largesses] en partance pour le Bénin.
‘’Chacun d’entre nous travaille avec des piroguiers partenaires au bord du fleuve qui nous donnent une commission pour chaque passager apporté’’, ajoute Mansour. La traversée simple sans grand bagages coûte 2000 francs, tranche son piroguier. Et de préciser : ‘’Mais si le passager transporte beaucoup de bagages, le prix se négocie’’. Les bras valides oisifs, eux, tirent profit du ‘’Port Tiani’’ dans l’activité de dockers. Quand les camions acheminent les marchandises au niveau des quais, ce sont eux qui se chargent de leur transvasement dans les pirogues et leur réembarquement et vis-versa.
‘’C’est un travail physique très pénible, mais qui nous permet de gagner honnêtement notre vie, à la sueur de notre front. Et nous avons aujourd’hui ce travail à cause de la fermeture de la frontière, qui est une bénédiction pour nous. C’est pourquoi nous appelons la rive du fleuve le ‘’Port Tiani’’, justifie Midou, un jeune docker, qui dit ne plus vouloir de sa réouverture.