S’il est un phénomène pernicieux au Niger, qui prend de plus en plus d’ampleur, c’est bien le trafic de drogue. Le pays tend à devenir une plaque tournante du trafic international de drogue en Afrique de l’Ouest. En 2018, l’Office Central de Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (OCRTIS) avait démantelé à Niamey deux laboratoires clandestins de fabrication de crack (une drogue de synthèse produite à partir de la cocaïne). Il ne se passe plus aujourd’hui une semaine sans que des stupéfiants ne soient saisis sur le territoire national.
Des chiffres qui interpellent
Comparativement aux années antérieures, l’année 2022 est marquée par une hausse des saisies de certains substances telles que la cocaïne, le crack et l’héroïne. Il a également été saisi d’importantes quantités de produits qui ne sont pas sous contrôle international notamment la prégabaline et le khat. Il ressort du rapport annuel provisoire d’activités 2022 de l’OCRTIS, entre autres saisies, 216,852 kg de cocaïne ; 1,197 kg de crack ; 700.540 comprimés de Diazépam ; et 2.517.523 comprimés de Tramadol. Il est à noter que ce rapport ne prenait pas en compte les données de l’administration des Douanes et de la Garde Nationale. L’OCRTIS avait également monté des dossiers de blanchiment de capitaux en lien avec la drogue. La valeur marchande de toutes les drogues saisies est estimée à 26.089.037 .000 de francs CFA, à peu près le même montant qu’en 2021.
Les différentes saisies de drogue opérées en 2022 ont conduit à l’interpellation de 5.532 personnes, dont 210 femmes. 454 d’entre ces personnes sont de nationalité étrangère (343 Nigérians, 27 Béninois, 12 Togolais, 12 Maliens…). Il est à noter que sur l’ensemble des individus interpellés, 5,62 % ont moins de 18 ans ; 58,92 % ont un âge compris entre 18 et 29 ans ; 24,96 % ont un âge compris entre 30 et 39 ans et 10,6 % ont un âge compris entre 40 et plus. Ces chiffres alarmants montrent une fois de plus que les jeunes constituent la couche majoritaire la plus exposée au phénomène de drogue au Niger. Ils révèlent un autre phénomène tout aussi inquiétant qui est l’implication de plus en plus forte des femmes dans la drogue (3,8% des personnes interpellées en 2022).
Des implications politiques
La recrudescence du trafic de drogue interroge. Le transit ou le convoyage d’importantes quantités de drogue sur un territoire pouvait-il se réaliser sans l’achat de protections locales ? Sous l’ancien régime du PNDS – Tarayya, il n’était pas rare de voir des trafiquants de drogue interpellés disposant de passeport diplomatique et de badge de chargé de mission de certaines institutions de la République. « Je pense que beaucoup de dirigeants, à travers des relations de famille, ou à travers leurs propres relais, sont connectés au trafic de drogue de la région. Cela permet l’accès à des fonds privés importants. Car il n’est pas possible que la justice, par exemple, puisse libérer des trafiquants avérés s’il n’y a pas de feu vert en haut », dixit Ahmedou Ould Abdallah, ancien haut fonctionnaire mauritanien de l’ONU. En octobre 2021, la justice nigérienne avait ordonné la libération de plusieurs trafiquants de drogue, dont Ghoumour Bidika, originaire d’Agadez, présenté par les Nations unies comme un
«grand baron de la drogue », au motif que leur mandat de dépôt n’avait pas été renouvelé au bout de six mois, le délai réglementaire.