Depuis quelques jours, les alentours de l’Ecogare Wadata sont totalement dégagés à la grande satisfaction des occupants réguliers de ces infrastructures économiques et des usagers. L’opération de déguerpissement a permis de rendre la circulation fluide. Mais pour combien de temps ? C’est la question qu’il convient de se poser quand on sait que ce n’est pas la première fois que ce genre de déguerpissement des commerçants squatteurs et petits vendeurs à la sauvette qui colonisent les voies est mené. ‘’C’est juste un coup de vent. Si vous revenez d’ici la fin de la semaine, vous allez constater qu’ils sont revenus encore pour occuper les mêmes espaces parce qu’il n’y a pas de suivi pour empêcher toute nouvelle tentative de recolonisation desdits espaces’’, nous dit un délégué des commerçants de l’Ecogare. ‘’Il revenait à la municipalité d’assurer ce suivi en mettant en place des agents de veille permanents pour chasser quiconque tenterait de le faire. Hélas ce n’est pas le cas, et c’est pourquoi j’ai dit que c’est un coup de vent’’, déplore-t-il. Cette occupation anarchique des alentours des centres commerciaux, des édifices publics, des rues et trottoirs de la capitale s’est tellement généralisée à telle enseigne qu’il est devenu aujourd’hui extrêmement difficile de circuler dans la ville aussi bien pour les automobilistes et motocyclistes que pour les simples piétons. Ce qui aggrave davantage la situation, c’est le stationnement sauvage des camions gros-porteurs et la prolifération des garages autos dans les rues. Il suffit de faire un tour dans n’importe lequel des quartiers de la ville pour le constater. Même la ceinture verte n’est pas épargnée par le phénomène. Des pans entiers du bois abritent aujourd’hui une flopée des garages, de vendeurs de pièces d’occase auto et moto et de ferraille. Interpellé par rapport à l’insouciance des autorités municipales face à cette anarchie indescriptible, A. Sanoussi, un conseiller d’arrondissement communal, reconnaît volontiers cette pagaille inadmissible qui règne aujourd’hui dans les rues de Niamey et déplore le laxisme des détenteurs de pouvoir pour y mettre fin. ‘’C’est à la mairie centrale, qui détient l’essentiel des moyens, qu’il revient de prendre cette affaire à bras le corps et de manière durable’’, explique-t-il. ‘’Sinon, les opérations ponctuelles de déguerpissement autour des marchés surtout ont suffisamment montré leurs limites’’, estime-t-il.
L’anarchie, une source de recettes intarissables
Lorsqu’on analyse en profondeur les causes de persistance du phénomène, l’on a tendance à croire qu’il n’est pas solutionné durablement en raison des recettes importantes qu’il procure journalièrement à la municipalité. C’est en tout cas l’avis de Mounkaïla Garba, urbaniste de formation, qui pense que l’insouciance des autorités municipales face à la situation n’est pas gratuite. ‘’Tous ceux qui tiennent des commerces autour des marchés et autres édifices publics dans la ville paient une taxe journalière à la municipalité. Même les vendeurs de nourriture (galettes, viande grillée, fruits, etc.) à des points fixes sont astreints au versement de cette taxe dont le montant varie entre 100 et 200 francs voire plus, en fonction de la nature de l’activité’’, explique Garba. ‘’Ils sont cartographiés dans la ville et c’est des sommes importantes d’argent que les percepteurs de la municipalité collectent avec eux par jour. Comment voulez-vous assister dans ces conditions à un combat durable contre l’anarchie de la part des autorités municipales’’, demande-t-il. ‘’C’est la même chose pour les ateliers de garage, de menuiserie bois et métallique, etc. qui sont implantés de façon anarchique dans les artères et ruelles de la capitale. Ils paient non seulement la taxe de salubrité à la municipalité mais aussi versent chaque année des impôts à la DGI’’, fait remarquer Garba. M. Idé, chef d’un garage implanté aujourd’hui dans la ceinture verte après avoir été déguerpi d’une habitation en ruine qu’il louait en ville pour cause de vente, confirme les dires de l’urbaniste. ‘’J’ai un NIF, je suis donc astreint au versement de l’impôt annuel. Malgré que je sois aujourd’hui dans la ceinture verte, les agents de la DGI savent où me trouver pour me remettre la fiche d’imposition le moment venu’’, indique-t-il. ‘’Est-ce alors dans l’intérêt des autorités de me déguerpir d’ici où je squatte pour continuer à exercer mon activité ? La plupart des ateliers de garages à l’air libre, en ville comme ici, étaient auparavant logés dans des concessions. Une fois que le propriétaire vend sa maison, le nouvel acquéreur donne un délai pour déguerpir des lieux et vous n’avez d’autre choix que d’obtempérer à son injonction. Sinon, il vous fera sortir par la force et sans ménagement’’, explique-t-il pour justifier l’implantation provisoire de son garage dans le bois. La prise en compte de ces différents paramètres justifie certainement la réticence de la municipalité à engager des actions énergiques pour mettre fin durablement à l’occupation anarchique des alentours des marchés et édifices publics ainsi que les artères et ruelles de la ville par des commerces et autres ateliers de réparation de fortune.
Le gâchis inoubliable de l’ancien gouverneur
La gigantesque opération de déguerpissement des boutiques et kiosques, des restaurants, des vendeurs de voitures d’occasion, etc., menée par l’ancien gouverneur de la ville de Niamey, Hamidou Garba, en prélude notamment à la tenue du sommet de l’UA-19 couplée au lancement de la Zlecaf (la Zone de libre-échange continentale) en juillet 2019 n’a été qu’un véritable gâchis ! Pour preuve, la nature, ou si vous voulez l’anarchie, a repris ses droits dans la capitale sous l’œil bienveillant des autorités communales. Tant pis si cela complique la circulation urbaine et contribue à provoquer des accidents souvent mortels.