Dans notre parution du mardi 22 mars 2022, nous vous parlions d’une affaire de 200 kg d’or d’une valeur marchande estimée à près de six (6) milliards de francs CFA. Cet or venu de Libye devrait transiter par Niamey pour Bamako au Mali, avec pour destination finale Dubaï où il serait vendu à raison de 56.000 dollars le kg. Tout professionnel dont l’activité nécessite de détenir des métaux précieux façonnés ou non doit obligatoirement faire une déclaration d’existence. Comme il est illégal donc d’effectuer des transactions de métaux précieux de façon anonyme, cet or devrait, lors de son entrée sur le territoire national, être présenté à la douane avant de recevoir le traitement conséquent. Des Nigérians désireux d’acquérir cet or vont débloquer une somme de 160 millions de francs CFA pour les formalités douanières. Mais les documents douaniers qui seront délivrés vont s’avérer être des faux.
Alors que les 200 kg d’or quittent Niamey pour Maradi et, probablement, pour le Nigeria, le précieux métal est saisi par la douane de Konni à qui on déclare 150 kg d’or. C’est le retour à Niamey. Et, curieusement, cet or ne sera pas saisi bien que muni de faux documents douaniers. Se sentant floués, trois (3) Nigérians portent plainte contre le nommé Abdoul-Nasser I., un jeune opérateur économique. Ce dernier est placé sous mandat de dépôt le 09 septembre 2021 pour faux et usage de faux, escroquerie et association de malfaiteurs.
L’affaire est jugée ce mercredi 1er mars 2023 devant la Chambre correctionnelle du Pôle judiciaire spécialisé en matière économique et financière du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey. A la barre, le prévenu Abdoul-Nasser dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Pourtant, c’est lui qui a été contacté par un ancien parlementaire nigérien pour le compte des Nigérians aux fins de faire exporter cet or au Nigeria. Malgré le long interrogatoire auquel le prévenu a été soumis, ainsi qu’un des trois Nigérians (partie civile), il n’est pas aisé de cerner tous les contours de cette affaire. A qui avait-on remis les 160 millions de francs pour les formalités douanières ? Cette personne était-elle de mèche avec Abdoul-Nasser ? Qui a fourni les faux documents douaniers ? Quel rôle avait joué le transitaire Hamani Z. cité dans cette affaire ? Pourquoi n’avait-il pas été cité à comparaître à titre de témoin ? Il est difficile de répondre à ces interrogations. Il est tout aussi difficile de cerner le rôle exact joué dans ce dossier par un magistrat du parquet, un député et un ancien ministre. Le tribunal, visiblement, n’a pas voulu s’y intéresser.
Il ressort des débats que les 200 kg d’or ont atterri à Bamako, consignés dans les coffres d’une société de sécurité. Comment cet or saisi avec de faux ‘’papiers d’identité’’ s’est-il retrouvé en terre malienne ? Ce qui est sûr, les Nigérians ont perdu gros dans cette affaire, ce que le prévenu s’est engagé à leur restituer. D’ores et déjà, il leur a remboursé l’équivalent de 105 millions de francs CFA représentant trois (3) véhicules. Il a pris des engagements forts pour le reliquat des 245 millions de francs sous deux mois dès sa sortie de prison. Les 200 kg d’or appartiennent à un certain Hamza H., de nationalité malienne. Et lui a porté plainte contre les trois Nigérians pour tentative d’extorsion d’or.
Le ministère public demandera au tribunal de retenir la récidive légale contre le prévenu, celui-ci ayant été condamné par le passé à 7 ans d’emprisonnement ferme pour faux monnayage. Il sollicite également de déclarer le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés et de dire qu’il y a cumul d’infractions. En répression, de le condamner à 10 ans d’emprisonnement ferme et à 500.000 francs d’amende. La défense, de son côté, s’est évertuée à démontrer que le prévenu n’avait pas pris contact avec les Nigérians. Elle s’est étonnée de ce que le parquet n’a lancé aucun mandat d’arrêt alors qu’il parle d’associations de malfaiteurs. « Où sont ces malfaiteurs ? Pourquoi ne les recherche-t-on ? » Au sujet de l’infraction de faux et usage de faux, les avocats se sont dits surpris de voir une seule personne être poursuivie alors même que trois autres personnes ont apposé leur signature sur le document incriminé. Ils ont ensuite tenté de démontrer au tribunal que les faits reprochés à leur client ne sont pas constitués. D’où leur demande de voir celui-ci être renvoyé des fins de la poursuite. Au cas où le tribunal passerait outre leur demande, les robes noires ont sollicité une condamnation équivalente au temps déjà passé en prison par leur client. Elles ont aussi demandé une liberté provisoire pour leur client.
Le tribunal a mis son jugement en délibéré pour le 22 mars prochain. Affaire à suivre…