Le président Bazoum Mohamed a reçu récemment en audience au Palais de la présidence une délégation du groupe rebelle dénommé ‘’Union des Forces Patriotiques pour la Refondation’’, en abrégé UFPR, conduite par son chef Mahmoud Sallah. Nul besoin de se triturer les méninges pour chercher à savoir sur quoi les échanges ont porté, il ne peut que s’agir de la recherche de la paix qui fait cruellement défaut ces dernières années dans plusieurs régions de notre pays, confrontées au terrorisme.
En notre connaissance, l’UFPR n’est pas un mouvement rebelle connu par l’opinion nationale à cette date, contrairement aux factions rebelles de la décennie 1990 qui ont démontré une capacité de nuisance avérée contre les intérêts de l’Etat, pouvant conduire ce dernier à prendre langue avec leurs chefs à travers une médiation officielle pour conclure des accords autour de leurs revendications.
Le seul fait d’armes connu à l’actif de l’UFPR, c’est l’attaque du camp de la gendarmerie prévôtale de Chirfa en juin 2022, pour un mouvement dit ‘’politico-militaire’’ ayant officiellement déclaré sa naissance en août 2020, à la lisière de la frontière nigéro-libyenne. Dans la foulée, l’UFPR a brandi comme menace son intention de s’en prendre à l’exploitation pétrolière d’Agadem, rappelle-t-on. C’est tout !
Le fait déjà de recevoir la délégation de l’UFPR au palais implique une reconnaissance du mouvement rebelle par le président Bazoum.
Audience insolite
Nous sommes tous d’accord sur l’importance de la paix dans un pays au regard de la grave situation sécuritaire liée au terrorisme et au banditisme armé qui affectent aujourd’hui les populations de plusieurs de nos régions. Cet argument peut être brandi par les tenants du pouvoir pour tenter de justifier l’audience accordée par le président Bazoum à la délégation de l’UFPR. Est-il seulement convaincant ? Non !
Le chef de l’Etat a reçu la délégation du mouvement rebelle à huis clos. Sans la présence d’un quelconque membre de son cabinet encore celle des chefs militaires pour débattre d’une préoccupation aussi importante que la recherche de la paix. De quelles revendications concrètes ladite délégation est-elle porteuse ? Nous n’en avons pas connaissance. Qu’est-ce qui conduit l’UFPR à chercher subitement à négocier en l’absence de toute démonstration d’une quelconque capacité réelle de nuisance de sa part ?
Au demeurant, le président Bazoum peut-il, de façon solitaire, prendre des engagements au nom de l’Etat sur un sujet aussi délicat avec le mouvement rebelle avec tout ce que cela pourrait comporter comme risques de ne pas aboutir ? Quelles promesses fermes a-t-il données à la délégation de l’UFPR ? Quelles garanties cette dernière lui a-t-elle donné en contrepartie qu’elle va définitivement tourner le dos aux armes ?
A l’évidence, cette audience accordée par le président Bazoum à ce mouvement démontre à suffisance la légèreté déconcertante avec laquelle les affaires de l’Etat sont gérées sous ce régime des renaissants.
Récidive dangereuse
Bazoum Mohamed s’est apparemment forgé cette conviction qui consiste à croire qu’il peut amener à la raison des gens qui prennent gratuitement des armes contre leur pays, en prenant directement langue avec eux pour négocier secrètement.
Nous en voulons pour preuve l’audience qu’il a accordée secrètement au palais à des chefs djihadistes qu’il a fait libérer de prison, une information qu’il a personnellement révélée aux Nigériens à l’occasion de la conférence des cadres qu’il a animée en février 2022 à Niamey.
Le président de la République a indiqué l’avoir fait dans le cadre de la recherche d’un retour rapide de la paix, misant notamment sur la capacité et la bonne volonté de ses interlocuteurs [les chefs djihadistes] à tenir leurs promesses.
Erreur monumentale ! L’arrêt des attaques terroristes meurtrières pour lequel Bazoum les a fait libérer n’est pas au rendez-vous, bien au contraire elles se sont plutôt intensifiées dans la région de Tillabéri, mettant à nu les risques d’une telle initiative hasardeuse.
Un autre exemple tout aussi édifiant, Bazoum a fait droit à des requêtes de chefs coutumiers d’Abala (Filingué) parmi lesquelles l’autorisation de visites à leurs enfants emprisonnés pour des actes terroristes. En contrepartie, ceux-ci ont promis de s’investir pleinement dans leur sensibilisation afin qu’ils abandonnent le mauvais chemin.
Là aussi, l’échec et la déception ont été au rendez-vous, si l’on s’en tient aux réprimandes du ministre de l’Intérieur à l’encontre des chefs de groupements et de tribus de la zone, le 4 février 2023 précisément.
C’est dire que cette approche de Bazoum consistant à vouloir négocier personnellement avec des groupes armés est totalement contre-productive et dangereuse.
Nous avons déjà à gérer les bandes terroristes qui tuent, pillent et chassent de paisibles populations de leur terroir à qui l’Etat peine d’ailleurs à assurer la sécurité. Si en plus, Bazoum admet l’existence d’un mouvement rebelle qu’il faut aussi gérer, il ouvre alors une boîte de pandore. Pour sûr, dans le contexte sécuritaire actuel très difficile déjà de notre pays, rien ne saurait justifier la reconnaissance d’un front armé. Surtout quand ladite dissidence n’a pas fait connaissance de ses revendications politiques.