Comme vous le savez, l’affaire dite de la crise postélectorale de février 2021 dans laquelle le Général (ER) Moumouni Boureima, dit Tchanga, 71 ans, Saidou Tahirou Mayaki, président de la Coordination régionale Lumana de Tillabéri, 78 ans, et Djibril Baré Mainassara, candidat à la dernière présidentielle, 66 ans, sont poursuivis était inscrite au rôle de l’audience du 06 mai 2023 de la 4ème session de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey.
Mais ce dossier n’a pas pu être plaidé ce jour-là, la défense de Moumouni Boureima et celle de Saidou Tahirou Mayaki ayant soulevé une exception d’inconstitutionnalité de l’article 1er, alinéa 2, de la loi n° 2019 – 55 du 22 novembre 2019 modifiant et complétant la loi n° 61 – 33 portant institution du Code de procédure pénale. Du coup, la Chambre criminelle a prononcé un sursis à statuer, jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se prononce sur la question. « Toute personne partie à un procès peut soulever l’inconstitutionnalité d’une loi devant toute juridiction, par voie d’exception. Celle-ci doit surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle, qui doit intervenir dans un délai de trente (30) jours. Une disposition déclarée inconstitutionnelle est caduque de plein droit… », dit l’article 132 de la Constitution. Cet article 1er contesté dispose : « Il est institué au sein de chaque tribunal de grande instance une chambre criminelle. La chambre criminelle a plénitude de juridiction pour juger en premier ressort les personnes renvoyées devant elle, soit par une ordonnance du juge d’instruction, soit par un arrêt de la chambre d’accusation pour les infractions qualifiées crimes et toutes autres infractions connexes. Il est également institué au sein de chaque Cour d’appel une chambre criminelle pour connaître de l’appel interjeté contre les décisions des chambres criminelles des tribunaux de grande instance. »
Des arguments de droit des avocats
Selon les robes noires qui défendent Moumouni Boureima et Saidou Tahirou Mayaki, les dispositions de l’article 1er, alinéa 2, de la loi n° 2019 – 55 du 22 novembre 2019, en ce qu’elles prévoient que la Chambre criminelle a plénitude de juridiction, méconnaissent le principe du double degré de juridiction et portent en conséquence atteinte au droit à un procès équitable et au principe d’égalité devant la justice. Les requérants affirment que le principe tel qu’invoqué est garanti par l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (« Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bienfondé de toute accusation dirigée contre elle » ; l’article 14, points 1, 2 et 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; et à l’article 7, point 1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ils soutiennent en outre que l’article 1er, alinéa 2, de la loi n° 2019 – 55 du 22 novembre 2019 contesté est en contradiction avec les prescriptions des articles 172, 199, 204 et 207 du Code de procédure pénale en ce qu’ils font, selon les avocats, obligation au juge d’instruction de transmettre le dossier de la procédure à la Chambre d’accusation pour lui permettre d’examiner la régularité des procédures et leur annulation éventuelle.
La réplique de la Cour constitutionnelle
Pour la Cour constitutionnelle, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le principe du double degré de juridiction à la phase de l’instruction n’est pas remis en cause par les dispositions contestées de l’article 1er, alinéa 2, de la loi n° 2019 – 55 du 22 novembre 2019 en ce que l’inculpé continue à disposer du droit d’appel devant la Chambre d’accusation des ordonnances rendues par le juge d’instruction conformément à l’article 178 du Code de procédure pénale. D’après la Cour, les pouvoirs précédemment conférés à la Chambre d’accusation relativement au contrôle de la régularité des actes de la procédure sont désormais dévolus à la Chambre criminelle en application de l’article 21 de la loi attaquée et de l’article 366, alinéa 1, du Code de procédure pénale. Elle estime par ailleurs que les Chambres criminelles sont des juridictions spécialisées et qu’à ce titre elles sont soumises à des règles spécifiques de procédure qui, quoique dérogatoires au droit commun, sont de nature à garantir la légalité et l’équité de leurs décisions tout en garantissant le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Pour la Cour constitutionnelle, il résulte de qui précède que « l’article 1er, alinéa 2, de la loi n° 2019 – 55 du 22 novembre 2019 modifiant et complétant la loi n° 61 – 33 portant institution du Code de procédure pénale n’est pas contraire à la Constitution. »’’