Le procès de la tentative de coup d’État intervenue dans la nuit du 30 au 31 mars 2021 se poursuit activement devant le tribunal militaire de Niamey. Après l’examen des faits de complot, d’attentat contre la sûreté de l’État et de coups et blessures volontaires avec armes, ce procès est entré dans sa phase cruciale avec ce jeudi 09 février les réquisitions du ministère public (composé du commissaire du gouvernement, qui est un officier général, et de son substitut, un magistrat professionnel). Des réquisitions qui ont duré près de 4 heures d’horloge.
« Officiers sectaires et inconscients »
Dès l’entame de l’audience de ce jeudi 09 février, à 10 heures 23 mn, le président du tribunal militaire a immédiatement donné la parole au Ministère Public (MP) pour ses réquisitions. Dans une intervention préliminaire, le commissaire du gouvernement, sur un ton ferme, s’en est pris aux putschistes, qualifiant leur action de « trahison ». Trahison de la confiance du peuple nigérien, trahison de la confiance des hommes placés sous leur ordre, trahison de la confiance placée également en eux par le chef suprême des armées. Le Niger évoluant dans un contexte sécuritaire fortement dégradé, le commissaire du gouvernement a déploré que c’est ce moment crucial pour le devenir du pays que des « officiers sectaires, inconscients » choisissent pour tenter un coup d’Etat, qui, s’il avait réussi, aurait entrainé « un désastre pour le Niger ». Un coup d’Etat est plus dangereux que le terrorisme, a encore dit le commissaire du gouvernement.
5 peines de 30 ans d’emprisonnement ferme requises
Pour le ministère public, le colonel-major Djibo Hamadou, le capitaine Sani Saley Gourouza et le lieutenant Abdourahamane Morou Idrissa sont les principaux acteurs des événements du 31 mars 2021. Hamadou est accusé d’avoir cautionné et ordonné les faits, toutes les initiatives de Gourouza et de Morou étant validées par lui. Les adjudants Adamou Seini, dit Adams, et Mahamadou Halilou, dit Etudiant, sont aussi accusés d’avoir participé à l’attaque des positions de la garde présidentielle. Le MP a requis de les déclarer tous les cinq (5) coupables des faits de complot, d’attentat contre la sûreté de l’Etat et de coups et blessures volontaires avec armes. Concernant Djibo Hamadou, les faits d’attentat sont requalifiés en complicité d’attentat. « En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera prononcée », dit l’article 55 du code pénal. Une peine de 30 ans d’emprisonnement ferme est requise à leur encontre.
2 peines de 20 ans requises
L’adjudant-chef Amadou Boureima, dit Papa, présenté comme un recruteur d’hommes pour le compte du col-maj Djibo Hamadou, et Moussa Hamadou (militaire en service à la DCMAT) sont accusés de complot en vertu de l’article 261 du code de justice militaire : « Tout militaire coupable de complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité ou à la sûreté de l’Etat ou de détourner du respect de la Constitution sera puni d’un emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans ». Le ministère public a requis 20 ans à leur encontre.
11 peines de 10 ans requises
Les militaires Hamani Mounkaila, Ibrahim Abdou (garde national), Hamani Oumarou (garde national), Salifou Kaka (lieutenant de la garde nationale), Boubacar Garanké, Yacouba Mahamadou, dit Fresho (caporal), le notaire Ibrahim Djibo, adjudant-chef Issaka Amadou, le lieutenant Boubacar Bagouma, Moussa Abdoulaye (militaire en retraite) et Mamane Nouri Amadou sont tous accusés de complot en vertu de l’article 261 du code de justice militaire. Le MP a requis une peine de 10 ans d’emprisonnement ferme contre chacun d’eux.
2 peines de 5 ans requises
Le colonel-major Boubacar Oumarou Dan Azoumi est accusé de complot tandis que le général Saidou Badjé est accusé du délit de proposition (non agréée) de former un complot (article 79, alinéa 4, du code pénal). Il est requis contre l’un et l’autre une peine de 5 ans d’emprisonnement ferme.
17 peines de 2 ans requises
Les militaires Youra Hamadou, Abdoulaye Mamane, Abdou Adamou, Issoufou Banao, Adamou Nomao, Aboubacar Inni Issoufou, Moussa Issaka, dit Réza, Maman Rabiou Lando, Soumaila Bagué, Mahamadou Ousmane Konni, Mahamadou Ousmane Dargol, Harouna Mahamadou, Ibrahim Abdou Zada et Mahaman Abdoulaye sont accusés du délit de Coups et Blessures Volontaires (CBV), pour lequel le MP a requis 2 ans et 50 000 F d’amende contre chacun. Seydou Soumaila, chef du quartier Pays-Bas, est accusé du délit de non dénonciation de crime (article 186, alinéa 2, du code pénal), il est requis 2 ans ferme contre lui et 50 000 F d’amende. Les mêmes faits de non dénonciation de crime et la même peine sont portés contre l’adjudant Abdou Haladou. Quant au soldat Yaou Ayouba, il est accusé du délit de CBV, 2 ans de prison ferme et 50 000 f d’amende sont requis contre lui.
19 acquittements requis
Le MP demande l’acquittement du commissaire général de police Cissé Ousmane Ibrahim, le colonel Issa Na-Allah, le lieutenant-colonel Mourtala Seydou Diori, l’adjudant Issaka Inoussa Chantali, le sergent Ibrahim Garba, et les autres militaires Ayouba Moussa, Ismael Moussa Djibo, Saley Amadou, Souley Awi Abdoulaye, Laouali Ada, Harouna Abdou, Ousmane Elhadj Hassane, Idi Souley, Issoufou Elhadj Sani et Illa Tsayabou, ainsi que les civils Yaou Hassane (marabout), Fataou Abdoulaye, Souley Amadou Boubacar, Bachirou Issa Gourouza. Aucune charge ne pèse sur eux, selon le MP.
1 peine de 18 mois ferme
Abdoul-Aziz Seydou Samba (un civil) est accusé de recel de malfaiteur. En vertu de l’article 206 du code pénal, le MP a requis contre lui une peine de 18 mois d’emprisonnement ferme et 50 000 F d’amende.
Emprisonnement à vie pour les accusés en fuite
Sur les soixante-quatre (64) personnes présumées impliquées dans cette affaire de tentative de coup d’État, cinq (5) sont toujours en fuite. Il s’agit des nommés Yasser Ali Djibo (neveu du général Salou Djibo), Hassane Issa Garba (un sergent-chef), Abdoul-Aziz Hama Bingui, Issa Bossou et Mamane Sani Abdoulaye. Une ordonnance aux fins de jugement par défaut daté du 07 décembre 2022 a été prise à leur encontre. En vertu des articles 186, 187 et suivants du code de justice militaire, le ministère public a demandé au tribunal de les condamner chacun à une peine d’emprisonnement à vie. Affaire à suivre…