Le procès de la tentative de coup d’État intervenue dans la nuit du 30 au 31 mars 2021 tire à sa fin. Les dernières plaidoiries des avocats ont pris fin ce jeudi 16 février. Et les robes noires ne se sont pas privées d’égratigner cette fois le juge d’instruction du tribunal militaire.
Justice aux ordres
La justice est pour la société ce que le cœur vaut pour le corps. Si elle est saine, toute la société le sera également. Au cours de ce procès, les avocats ont démontré que la justice est instrumentalisée, qu’elle « va de mal en pis ». Pour Maître Yacouba Mahamane Nabara, 29 ans de barre, l’instruction du dossier relatif aux événements du 31 mars 2021 a été « volontairement bâclée ». Elle a été faite « exclusivement à charge », et aucun effort de recherche de vérité n’a été fait pour savoir si les faits reprochés aux accusés sont établis. D’après Maître Alio Samna, le juge d’instruction a décidé d’inculper et de placer en détention préventive son client le lieutenant-colonel Mourtala Seydou Diori, simplement parce que le Ministre de la Défense, Indatou Alkassoum, avait signé un ordre de poursuite. Or, l’enquête de gendarmerie mettait Mourtala hors de cause dans les événements du 31 mars 2021. La preuve, le ministère public a requis son acquittement, aucune charge ne pesant sur lui. Le juge d’instruction du tribunal militaire serait-il inféodé au pouvoir politique ? Pour Me Samna, une chose est sûre, la justice nigérienne est malade de ses juges et principalement des juges d’instruction, ces derniers ayant tendance à violer en permanence la présomption d’innocence. « Ils ont transformé la présomption d’innocence en présomption de culpabilité. Il est arrivé qu’ils signent des mandats de dépôt avant même d’avoir reçu le dossier du prévenu à la suite d’un coup de fil », a déploré l’avocat.
Un témoignage douteux ?
Me Yacouba M. Nabara, défense du général Saidou Badjé et du colonel Issa Na-Allah, a émis de sérieuses réserves au sujet du témoignage du colonel-major Mamane Sani Kiao, l’ancien patron de l’opération Almahaou. Badjé et Kiao se sont rencontrés en octobre 2020 lors d’une mission à Banibangou où ils ont eu à parler de la situation sécuritaire. Entendu à la gendarmerie, le témoin Kiao a déclaré avoir entendu le général Badjé dire que Bazoum Mohamed n’est pas un Nigérien. Devant le juge d’instruction, il dira que Badjé ne lui avait pas précisé ses intentions, mais il a compris qu’il aurait des intentions putschistes. « Kiao a interprété à sa façon une causerie qui n’avait rien à voir avec les événements du 31 mars. Il lui a été demandé de corser ses accusations contre le général Badjé. Une des versions de Kiao a été de dire par la suite que Badjé préparerait un coup d’Etat avec le colonel Issa Na-Allah. Or, voilà que le ministère public a requis l’acquittement de Na-Allah ». Le général Saidou Badjé est accusé du délit de proposition de former un complot. Mais à qui avait-il fait une telle proposition ? s’est demandé son conseil. Une question qui est restée sans réponse tout au long de ce procès.
Le délibéré
L’audience de ce jeudi 16 février, avec les dernières plaidoiries des avocats, a consacré la fin des débats dans ce dossier. Le ministère public et la défense, chacun de son côté, a tenté de convaincre le tribunal, par des arguments, que le droit, la vérité, est de son côté. Dans une ultime intervention à la barre, les accusés et les prévenus ont réclamé justice et ont affirmé s’en remettre à la sagesse du tribunal. Le capitaine Sani Gourouza, lui, a demandé pardon à tous ses éléments qu’il avait embarqué dans cette « histoire », ainsi que la clémence des autorités. Le tribunal a mis son jugement en délibéré, le verdict sera connu le 24 février prochain. Affaire à suivre…