Pour surmonter les difficultés liées à l’embargo économique et financier imposé au Niger suite au coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023, le Premier ministre transition a récemment créé par arrêtés deux organes pour travailler sur le programme de résilience pour la sauvegarde de la patrie (PRSP) : un comité d’experts nationaux est chargé d’appuyer la formulation et la mise en œuvre du programme et un dispositif institutionnel de coordination du programme. Les missions assignées aux deux organes montrent toute l’importance de l’initiative dans ce contexte de difficultés d’approvisionnement en produits alimentaires et pharmaceutiques dont nul ne peut prédire la durée.
Nous avons décidé de nous appesantir particulièrement sur le dispositif institutionnel en raison de sa structuration en plusieurs organes et la composition des membres chaque de organe.
Selon l’article 2 de l’arrêté, le dispositif institutionnel de coordination du CRSP est composé d’organe d’orientation et de pilotage, d’organes techniques d’appui conseil et de coordination, de structures d’appui à la mise en œuvre et au suivi et évaluation et de cadre de concertation. L’organe d’orientation est le comité de pilotage (CoPil).
‘’Les organes techniques d’appui et de coordination comprennent le secrétariat technique national (STN), le Comité d’experts, les Comités techniques sectoriels (CTS), les Comités régionaux de coordination du PRSP (CRC/PRSP), les Comités départementaux de coordination du PRSP (CDC/PRSP) et les Comités communaux de coordination (C2C/¨PRSP)’’, énumère l’article.
Les structures d’appui à la mise en œuvre et au suivi-évaluation sont composées des services en charge du développement du ministère de l’Economie et des Finances et de l’Institut national de la statistique.
Quant aux cadres de concertation, ils sont constitués au niveau national du Comité national de participation citoyenne pour la sauvegarde de la patrie (CNPC/SP) et du Comité de partenariat concerté (CPC).
Nous n’allons pas nous attarder sur les missions spécifiques assignées à ces différents Comités et les mécanismes de coordination pour mettre en synergie les travaux de réflexion qu’ils auront à abattre et qui doivent pouvoir être matérialisés en actions et interventions concrètes visant à alléger les souffrances des populations.
Si la création du dispositif institutionnel est louable, son efficacité risque d’être plombée par sa lourdeur. Pour une structure chargée d’élaborer et de coordonner le programme de résilience, prévoir jusqu’à 6 cadres de réflexion qui vont du niveau national au niveau communal n’est-il pas trop ?
Comment s’assurer d’une bonne coordination des activités imparties entre les comités dans un pays où le culte du travail bien fait a cessé depuis longtemps d’être un sacerdoce pour les citoyens ? La principale inquiétude réside à ce niveau.
Et lorsqu’on scrute les cahiers de charges des différents Comités, on constate que rien n’est laissé de côté ; ils brassent toutes les préoccupations auxquelles se trouve notre pays bien avant le coup d’Etat à l’origine de l’embargo de la communauté internationale.
La déclinaison des Comités techniques sectoriels conforte à merveille notre constat. Ils sont composés des Comités ‘’Capital humain’’, ‘’Gouvernance, paix et sécurité’’, ‘’Sources de croissance’’, ‘’Développement rural et sécurité alimentaire et ‘’Participation citoyenne et inclusion sociale’’, tous présidés par des secrétaires généraux de ministères.
Un autre constat qu’on peut établir lorsqu’on regarde la composition des membres des différents Comités du dispositif institutionnel, l’on a l’impression d’avoir affaire à une nouvelle structure parallèle aux ministères et aux institutions déconcentrées de l’Etat élargie juste à des acteurs privés.
Premier ministre, ministres, secrétaires généraux, gouverneurs, directeurs centraux et régionaux, préfets, etc., sont la tête des différents Comités qui font une ouverture à d’autres acteurs comme l’armée, la société civile, le secteur privé, des chefs traditionnels, les organisations socioprofessionnelles, les associations féminines, les associations religieuses, les associations des personnes vivant avec un handicap, etc.
Ni les organisations syndicales ni les médias ne sont impliqués dans aucun Comité du dispositif institutionnel chargé d’élaborer et de coordonner le programme de résilience pour la sauvegarde de la patrie. Cela constitue, à nos yeux, une grosse aberration au regard du rôle prépondérant de ces deux acteurs dans la vie de la nation.
Comment peut-on écarter les travailleurs -les principaux acteurs qui contribuent à la production de la richesse dans le pays- dans un processus d’élaboration et de coordination du programme de résilience ?
Si c’est par crainte d’être confronté à un blocage dans la désignation des représentants des organisations syndicales, la même difficulté risque de se poser avec la société civile ou les organisations socioprofessionnelles, en l’absence d’une précision concernant les secteurs. A moins évidemment que le ministère de l’Economie et des Finances procède, lui-même, au choix des représentants.
Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) et le gouvernement ont clairement exprimé leur volonté de conduire une transition inclusive. Mais il est triste de constater que les actes qui sont en train d’être posés trahissent cette volonté affirmée.