Sevrage forcé imposé aux députés. Habitués à percevoir des indemnités conséquentes alors que les travaux parlementaires sont à l’arrêt, les élus nationaux doivent désormais faire sans ces avantages injustifiés, ainsi en a décidé le président de la République.
Appétit immodéré
Le 15 févier 2019, l’Exécutif nigérien a approuvé la hausse des frais de séjour alloués aux fonctionnaires, contractuels et auxiliaires de l’État lors des missions notamment en dehors du pays. Quelque temps plus tard, les 171 députés ont emboîté le pas au gouvernement en s’octroyant de substantiels avantages en numéraire. Pour ce faire, les parlementaires ont retouché pas moins de dix (10) articles de la loi organique n° 2011-12 du 27 juin 2011 portant indemnités et avantages des députés. Il s’agit notamment des articles : 2, 3, 7, 8, 9, 11, 15, 16, 18 et 20. Ainsi, (à titre d’exemples) l’indemnité forfaitaire d’équipement accordé aux secrétaires parlementaires est passé de 1.500.000 FCFA à 2.000.000 FCFA (art. 2 nouveau). Quant à l’article 16 (nouveau), il alloue à tous les députés un appui annuel en numéraires ou en nature lors des fêtes religieuses à hauteur maximale de 300.000 FCFA. Mus par leur appétit immodéré pour les privilèges, les députés ont perdu de vue certaines dispositions du règlement intérieur de l’Assemble nationale notamment l’article 62 : « les propositions déposées par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’elles ne soient accompagnées d’une proposition d’augmentation de recettes ou d’économie équivalentes ». Par arrêt n°06/CC/MC du 28 juillet 2020, la Cour constitutionnelle a déclaré les modifications et ajouts décidés par les députés contraires à la Loi fondamentale de notre pays.
Fin d’un privilège indus
Art. 91 : « Chaque année, l’Assemblée nationale se réunit de plein droit en deux sessions ordinaires sur convocation de son Président. La première session s’ouvre la première semaine du mois de mars et ne peut excéder quatre-vingt-dix (90) jours. La seconde session, dite session budgétaire, s’ouvre la première semaine du mois d’octobre et ne peut excéder soixante (60) jours », précise la Constitution du Niger. En clair, sauf session extraordinaire, les députés nationaux ne ‘’travaillent’’ que 150 jours sur les 365 que compte l’année, soit quelque 5 mois en tout et pour tout. Entre les deux sessions ordinaires, s’étirent deux périodes dites ‘’intersessions’’ durant lesquelles les députés désertent les bancs de l’Assemblée nationale. Pendant ce long intervalle d’absence, les parlementaires perçoivent (à titre individuel) une indemnité de 2.300.000 FCFA en plus de leurs salaires mensuels auxquels s’ajoutent les indemnités et autres avantages institués par la loi n° 2011-12 du 27 juin 2011. Le conseil des ministres de ce 20 0ctobre 2022 a examiné, pour avis, la proposition de loi modifiant et complétant la loi citée plus haut. Par un avis favorable, le gouvernement a mis fin aux indemnités perçues par les députés durant les intersessions. C’est la fin d’un privilège décidée par le président de la République.
Un sevrage forcé
C’est clair, le fait de supprimer les indemnités versées aux députés durant les intersessions soulage les charges publiques. Par ce geste, le chef de l’État a, d’une certaine manière, réduit le fossé entre les élus nationaux et les citoyens dans un pays où le produit intérieur brut par habitant est de 573 dollars (45,4% des Nigériens vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale). Cependant, les députés n’ont pas perdu sur toute la ligne. La perte des indemnités d’intersession induite par la modification de la n° 2011-12 du 27 juin 2011 a été compensée par des avantages en numéraires concédés aux députés. Toutefois, les nouveaux gains sont sans commune mesure avec les indemnités annulées. Tout bien considéré, les députés ont été soumis à un sevrage forcé par le chef de l’État.