Parmi les 172 recommandations mises en œuvre et partiellement mises en œuvre sur les 229 suivies par la Cour des Comptes pour l’élaboration de son Rapport Général Public 2022, l’on distingue deux catégories : une première catégorie qui porte sur des mesures à prendre par les responsables des structures étatiques pour se conformer aux textes régissant le fonctionnement de celles-ci ou pour améliorer leurs performances ; et une deuxième tendant à accorder des avantages indus au personnel ou à récupérer de l’argent versé par la structure à des prestataires, sans service fait.
Lorsqu’on parcourt la liste des recommandations formulées à l’endroit surtout des établissements publics à caractère industriel et commercial, sociétés d’Etat, sociétés d’économie mixte, projets et programmes de développement, l’on constate que c’est la première catégorie de recommandations qui connaît une mise en œuvre intégrale ou partielle.
La deuxième catégorie qui vise à restaurer l’Etat dans ses droits, elle, n’est pas du tout appliquée même partiellement dans nombre de cas.
Au titre de ces organismes [les établissements publics, sociétés, projets et programmes] la Cour des Comptes a déclaré avoir contrôlé le suivi de recommandations de 23 d’entre eux, soit un total de 162 recommandations. Sur ce nombre, 71 sont mises en œuvre (43,83%), 36 partiellement mises en œuvre (22,22%), 54 non mises en œuvre (33,33%).
‘’Ces recommandations sont issues de 31 contrôles de gestion et audits de la performance. Les recommandations mises en œuvre totalement et partiellement s’élèvent à 107, soit 66,05% ; ce taux était de 74,51% en 2021, soit un écart négatif de plus de 8 points’’, a précisé la Cour.
Déjà, à ce niveau, il y a un net recul qui dénote d’une certaine prise de liberté vis-à-vis des observations de la Cour par les responsables de certains des organismes contrôlés. ‘’Formulez vos recommandations comme bon vous semble, nous ne sommes pas tenus de leur donner suite’’, tel semble être le sens de leur message.
Cas concrets
Sur ce point, nous nous sommes intéressés uniquement aux établissements et sociétés étatiques qui avaient de l’argent à recouvrer au profit de l’Etat. Les constats de la Cour des Comptes par rapport à l’état des mises en œuvre des recommandations fait ressortir les constats suivants : concernant la Caisse autonome de financement de l’entretien routier (Cafer), 10 recommandations ont fait l’objet de suivi, mais seules 3 ont été partiellement mises en œuvre avec uniquement pour but d’améliorer les performances de l’entité dont la modernisation du système de péage.
Sur les 7 recommandations non mises en œuvre, il a été demandé à la Cafer d’exiger de la Sonidep le versement des arriérés de redevance pétrolière, la mise en place d’appareils de pesage plus performants et d’exiger ‘’le versement par la GERTA du reliquat de 37.500.000 Fcfa au titre de l’année 2010, conformément aux dispositions de la convention. Ça fait aujourd’hui 13 ans que cette somme devrait être versée à la Caisse et ce n’est pas encore fait. Mystère !
Une autre recommandation d’ordre pécuniaire qui n’a pas été satisfaite, la Cour a demandé à la Cafer de se faire rembourser les droits d’enregistrement d’un montant de 578.865.615 Fcfa, la redevance ARMP pour 116.140.725 Fcfa et les droits de timbre pour 22.750.000 Fcfa par les prestataires. Pourquoi ces remboursements ne sont pas encore intervenus ? Est-ce à comprendre que la structure n’a pas bousculé les prestataires qui ont empoché l’argent ?
La palme revient incontestablement à la Centrale d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles (Caima) qui avait 7 prestataires à faire rembourser en termes de recommandations contre une seule se rapportant à son organisation qu’elle a d’ailleurs partiellement mise en œuvre.
Le cumul des sommes qu’elle doit recouvrer avec ‘’des prestataires qui ont tous été payés intégralement sans rien faire’’ d’après la Cour dépasse 200 millions Fcfa.
Concernant la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), la recommandation consistant à recouvrer 37.069.026 Fcfa représentant le reliquat des crédits immobiliers accordés au personnel a été partiellement mise en œuvre.
Structures vaches à traire
Par contre, les avantages accordés aux administrateurs en fin de mandat et aux PCA continuent d’être appliqués. Il s’agit notamment des indemnités de départ aux administrateurs en fin de mandat, de l’octroi de carburant et d’indemnités de téléphone au PCA, de carburant aux vice-PCA, etc.
A la Loterie nationale du Niger (Lonani), quatre (4) recommandations relatives aux contrôles de gestion des exercices 2010-2012 et des ressources humaines 2013 à 2017 ont fait l’objet de suivi.
Les deux royalement ignorées portent sur les sous à recouvrer par l’établissement avec un prestataire, EDITEC, pour ne pas le citer. La première porte sur la TVA d’un montant de 74.238.083 Fcfa payé lors du dédouanement des matériels informatiques et la deuxième, un montant de 234.989.270 Fcfa des précomptes ISB. Comment un établissement dont la vocation est de promouvoir légalement les ‘’jeux de hasard’’ peut-il renoncer à de tels montants ?
Nous nous limitons à ces cas qui ne sont pas exhaustifs, sinon les pratiques illégales persistantes en matière de dépenses ‘’farfelues’’ sont observées dans la gestion de quasiment toutes les entités contrôlées par la Cour des Comptes.
Et elles ont pour noms : ‘’paiement d’un 13e mois de salaire, indemnités forfaitaires de départ, prêts fantaisistes au personnel, jeton de présence aux réunions internes, dotation de carburant sans base légale à des agents, etc.’’.
Comme on peut le constater à travers ces exemples, quand il s’agit de récupération d’argent relatif à de marchés fictifs, sans service fait, ou de suppression d’avantages indus, les recommandations sont négligées à cause bien entendu des répercussions sur le train de vie qu’elles auront sur le personnel de la structure étatique. En somme, ces organismes sont tout simplement des vaches à lait pour des individus dans un contexte d’impunité.