Dans notre livraison du 24 janvier 2023 (L’Enquêteur N°2908), nous faisions état d’une Inspection générale d’Etat (IGE) à la Société Nigérienne d’Urbanisme et de Construction Immobilière (SONUCI) qui a mis en évidence les contours d’une gestion catastrophique de l’entité ces dernières années. L’inspection a relevé des dettes cumulées de l’ordre de 5 milliards de francs CFA occasionnées par des personnalités qui ont eu à gérer la société.
Relance du dossier
Les personnalités impliquées dans cette malversation présumée de grande ampleur ont certainement le sommeil agité ces jours-ci. Pour cause, le rapport de l’IGE est transmis à la police judiciaire qui a débuté, ce lundi 15 mai 2023, les auditions des protagonistes de l’affaire dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Nous apprenons que trois (3) DG et une présidente du Conseil d’administration (PCA), des opérateurs économiques ont tour à tour défilé devant les enquêteurs de la police pour se défendre relativement aux faits retenus contre eux dans le rapport. Des agents de la SONUCI cités dans le rapport auxquels des convocations ont été adressées passeront à leur tour pour leur audition. La procédure observée à ce niveau de traitement du dossier n’est pas inquiétante. Les personnes citées dans le rapport font leur déposition et regagnent libres leur domicile. Une fois l’enquête préliminaire bouclée, les prévenus seront déférés au Parquet qui va transmettre le dossier au Pôle économique et financier qui va désigner un juge d’instruction pour l’ouverture d’une information judiciaire.
Gros poissons
Parmi les personnes citées dans le rapport de l’IGE sur la Sonuci, il y a deux gros poissons. Il s’agit de l’actuel ministre de la Poste et des nouvelles technologies de l’information, Hassane Moussa Barazé, par ailleurs président de l’ANDP-Zaman Lahiya, et de Dan Mallam Abdoul Karim, conseiller à la présidence de la République. Les deux personnalités ont tous eu à diriger la SONUCI – une chasse gardée de l’ANDP dans le cadre du partage politique du gâteau entre alliés – avant d’être aux postes qu’ils occupent actuellement.
Comment ça va se passer pour leur cas ? En principe, aucun problème ne doit se poser. Ils sont inquiétés pour des faits de gestion d’une société étatique qui n’ont aucun lien avec les fonctions qu’ils occupent aujourd’hui.
Le cas de l’ex-ministre de l’Information, Hama Zada, privé de sa liberté depuis plus d’un an aujourd’hui dans l’affaire Sopamin/Tanaadi est là pour l’attester. Aucun argument ne saurait donc prévaloir pour entraver la procédure judiciaire ainsi engagée. C’est au juge d’instruction du pôle économique qu’il reviendra d’apprécier les faits retenus contre les différents protagonistes de l’affaire. La décision de placement sous mandat de dépôt, de liberté provisoire ou d’acquittement est de son seul ressort.
Rappel des faits
L’inspection générale d’Etat diligentée par le président Bazoum, qui épingle ces personnalités, s’est intéressée aux gestions de la SONUCI s’étalant de 2012 à 2022. Elle concerne donc les gestions de Dan Mallam Abdoul Karim, Hassane Moussa Barazé, Mamoudou Mamoudou (intérimaire) et enfin celle de Tankari Mahamadou. Les travers de gestion relevés par les investigateurs de l’IGE sont tout simplement ahurissants.
Les responsables cités dans le rapport s’adonnaient à des pratiques peu orthodoxes pour renflouer les caisses de la SONUCI comme le recours excessif aux emprunts bancaires en garantissant de nombreux titres fonciers. Le respect des échéances de remboursement des prêts étant devenu difficile pour la société avec le temps, les banques se sont appropriées les titres fonciers placés en garantie. Sur instructions du chef de l’État, le ministre des Finances a pris attache avec lesdites banques pour voir dans quelle mesure il serait possible de restituer ces titres fonciers à la SONUCI moyennant un paiement de l’Etat. Cette initiative a-t-elle porté ses fruits ? Nous ne saurons le dire ! La réactivation du dossier, qui a pris une tournure judicaire, atteste en tout cas de la volonté du gouvernement de faire passer la justice. Affaire à suivre…