Les contours du redéploiement annoncé de Barkhane et Takuba au Niger se précisent. Le gouvernement vient de faire un pas dans ce sens à travers un document qu’il a soumis à l’Assemblée nationale pour adoption. Les grandes lignes du projet.
L’argumentaire du gouvernement
« EXOPSÉ DE MOTIFS DU PROJET DE TEXTE MODIFIANT ET COMPLÉTANT L’AXE I DE LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DU GOUVERNEMENT », tel est l’intitulé du document transmis à l’Assemblée nationale par le gouvernement pour examen, débat et adoption. À travers ce texte (adopté en conseil des ministres le 4 mars 2022), l’Exécutif vise à offrir à notre pays la « possibilité de nouer des alliances les plus larges possibles pour lutter contre le terrorisme, d’accueillir sur son sol les forces alliées et de les faire participer aux opérations militaires conjointes. » C’est un secret de Polichinelle, l’idée première de cette démarche est de donner un cachet de légalité au redéploiement annoncé de Barkhane et Takuba au Niger. L’argumentaire phare du gouvernement est ainsi décliné : « […] Notre pays est quasiment encerclé par les groupes armés terroristes. Malgré les efforts déployés pour contenir la menace aux abords de nos frontières, le bilan humain et économique est lourd. Pour la seule année 2021, on compte plus de 800 victimes dont la grande majorité est constituée de civils. Dans l’ensemble du pays, on dénombre au 31 janvier 2022, 758 écoles fermées avec 72.981 élèves tous niveaux confondus. La campagne agricole passée, plusieurs producteurs des régions de Tillabéri, Tahoua, Maradi et Diffa, n’ont pu accéder à leurs champs. L’accès aux marchés est également un défi et plusieurs commerçants qui ont tenté de le relever ont perdu leurs biens voire leur vie », précise l’Exécutif.
Des risques importants
Le gouvernement s’est voulu convaincant en insistant sur les périls qui, selon lui, guettent notre pays : « Le retrait annoncé de Barkhane et de Takuba du Mali avec le risque de créer un grand vide le long de notre frontière avec le Mali, longue de plus 800 kilomètres, constitue un facteur important d’aggravation de la situation sécuritaire. Un autre facteur aggravant est relatif à la situation née des coups d’État au Mali et au Burkina Faso, ajoutant une crise politique à la crise sécuritaire fragilisant ainsi ces deux pays voisins […] Face à cette situation et aux perspectives de son évolution, en accord avec son Excellence le Président de la République, chef de l’État, chef suprême des armées, soucieux d’assurer la paix et la quiétude aux populations, le gouvernement a pris l’initiative de réviser le premier axe de la déclaration de politique générale, de l’adapter au nouveau contexte et de soumettre le texte y relatif à l’adoption de l’Assemblée nationale », lit-on dans le texte. Pour étayer son argumentaire, le gouvernement n’a pas manqué de rappeler le caractère transfrontalier voir mondial de la guerre menée contre les djihadistes : « L’engagement de la communauté internationale est motivé à la fois par la crainte que les groupes armés terroristes n’étendent leur périmètre d’opération au-delà du Sahel et la prise de conscience de ce que la lutte contre le terrorisme est l’affaire de tous […] »
Jouer sa responsabilité
L’Exécutif a tenu à préciser qu’il reste ouvert à toutes les alliances possibles : « Le gouvernement est disposé à collaborer avec tous ceux qui veulent aider notre pays à éradiquer le terrorisme et le crime organisé, que ce soit par une contribution à la formation et à l’équipement de nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS), l’appui opérationnel et logistique, la collecte et le partage de renseignement, ou même l’engagement opération sur le terrain. […] Le déploiement éventuel des forces alliées se fera sur la base d’un partenariat qui tient compte des leçons apprises de part et d’autre et fera l’objet de discussions techniques avec la hiérarchie militaire tant sur les lieux de stationnements, les modalités d’opérations et les règles d’engagement. » Pour finir, l’Exécutif a joué sa carte maîtresse : « L’attachement du gouvernement à la paix et à la sécurité de nos concitoyens est si profond que pour l’adoption de ce texte, il n’a pas hésité à engager sa responsabilité conformément à l’article 107 de la Constitution qui dispose que : Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale en posant la question de confiance sur le vote d’un texte. Le texte est considéré comme adopté s’il recueille la majorité absolue des votes. » Vivement le débat à l’Assemblée nationale.