« Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif », dit la Constitution en son article 116, alinéa 1. Le même texte dispose en son article 118 : « Dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats sont indépendants et ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi ». Mais cette indépendance tant proclamée est loin d’être une réalité dans notre pays. Et c’est pourquoi le Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN) en a fait son cheval de bataille. Lors de son 9ème congrès statutaire tenu à Niamey les 3 et 4 mars 2018, ce syndicat avait dans une résolution exigé une réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) afin que la présidence de cet organe qui gère la carrière et la discipline des magistrats ne soit plus assurée par le Président de la République mais par le 1er Président de la Cour de cassation.
Ouvrir le SAMAN à d’autres structures
Dès son arrivée au pouvoir, Mohamed Bazoum s’est engagé à examiner avec bienveillance les doléances du Syndicat autonome des magistrats du Niger (SAMAN). C’est ainsi que des négociations sont engagées avec le SAMAN. Celles-ci ont abouti au projet de loi portant refonte de la loi n° 2011 – 24 du 25 octobre 2011 qui régit le CSM, adopté en Conseil des Ministres le 26 janvier 2023 et transmis à l’Assemblée nationale qui l’a examiné et voté favorablement ce vendredi 12 mai. Dans ce projet de loi, le Gouvernement avait prévu que la composition du CSM soit élargie à d’autres structures telles que la Commission nationale des droits humains (CNDH), le Barreau et le syndicat des enseignants-chercheurs des universités publiques. Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, les députés avaient de leur côté voulu ajouter à ces structures la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA). Mais c’était sans compter avec la détermination du SAMAN à faire respecter les principes de la séparation des pouvoirs.
Le SAMAN, un refus catégorique
Le projet de loi en question a été reçu par l’Assemblée nationale le 16 février 2023. Il a aussitôt été imputé à la Commission des affaires générales et institutionnelles (CAGI) qui l’a examiné au fond les 16, 17 et 25 avril, puis le 05 mai. Lors de cet examen, le SAMAN, par la voix de son Secrétaire général, a indiqué que le Conseil supérieur de la magistrature est un organe chargé de la nomination et de l’affectation des magistrats et de leur discipline. De ce fait, le CSM doit être indépendant des autres pouvoirs. Aussi, pour le SAMAN, la HALCIA, la CNDH, le SNECS, le Barreau n’ont pas leur place au sein du CSM. Auditionné également, le Barreau, qui souhaitait être représenté au sein du CSM même sans voix délibérative, était déçu que la porte du CSM lui soit fermée. Il explique l’opposition des magistrats par leur esprit de corporatisme très fort. Pour la corporation des robes noires, il serait pourtant utile et même indispensable qu’au moins un avocat ayant plusieurs années d’ancienneté et jouissant d’une bonne moralité puisse siéger au CSM comme dans certains pays francophones. Le Barreau avance que l’avocat, en tant qu’acteur important de la justice qui connait bien les magistrats tant sur le plan professionnel que sur le plan éthique, sera à même de donner son avis, en toute indépendance, sur les questions touchant le magistrat.