Le Premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, sera devant le Parlement ce vendredi 22 avril pour défendre le texte relatif au redéploiement dans notre pays de la force armée française Barkhane et Takuba que le président français Macron a décidé de retirer du Mali. C’est un enjeu de taille au regard de la vive polémique suscitée par la question au sein de l’opinion nationale. Alors que le camp du pouvoir est entièrement favorable à ce redéploiement qu’il défend bec et ongle, une bonne frange de la population nigérienne n’a eu de cesse de marquer sa vive hostilité vis-à-vis de cette décision, qu’elle considère comme l’expression d’une renonciation à notre souveraineté nationale par le pouvoir. Le PM Ouhoumoudou aura à exposer aux députés nationaux les raisons pour lesquelles le gouvernement souhaite accueillir la force militaire française sur notre territoire dans l’espoir de recueillir leur adhésion à la cause gouvernementale. Grosso-modo, ces raisons tournent autour de la question sécuritaire, notre pays étant confronté depuis 2015 à des attaques terroristes récurrentes qui affectent plusieurs de ses régions. Notamment celles de Diffa, Maradi, Tahoua, Tillabéri et dans une moindre proportion celle de Dosso, où des groupes armés non étatiques [GANE] mènent régulièrement des raids meurtriers contre des positions militaires et civiles. L’enjeu majeur de l’exercice tient au sort de son gouvernement. Si les motivations pour lesquelles le régime du président Bazoum Mohamed veut de Barkhane chez nous emportent l’adhésion du Parlement, le PM Ouhoumoudou et son équipe resteront en place. Dans le cas contraire, ça sera un bing bang politique, mais on n’est pas encore là. Le régime est pleinement conscient de toutes ces conséquences en s’engouffrant dans cette voie consistant à saisir le parlement de la question. Mais il l’a fait certainement parce qu’il est quelque part sûr de lui. D’où d’ailleurs cette assurance dans la voix de toutes les personnalités du régime lorsqu’elles parlent de la question. ‘’Nous avons décidé de saisir l’Assemblée nationale afin qu’elle se prononce sur le sujet. Si le texte passe, c’est tant mieux ; s’il est rejeté, le gouvernement démissionne immédiatement’’, entonnent-elles toutes, avec beaucoup de sérénité, lorsqu’elles s’expriment sur la question du redéploiement de Barkhane. Mais l’assurance ainsi manifestée n’exclut pas la prise de certaines mesures de précaution, comme cette rencontre initiée par le PM avec les députés de la majorité, ce mercredi 20 avril, dans l’après-midi, au Palais des Congrès.
Conditionnement des députés ?
Comme nous l’avions souligné ci-haut, l’épreuve qui attend Ouhoumoudou ce vendredi 22 avril ne présente à priori pas grand risque, au regard notamment de la configuration de l’Assemblée nationale, majoritairement dominée par le pouvoir avec 135 députés sur les 169 que compte actuellement l’institution. Malgré tout, l’épreuve reste tout de même stressante et nécessite par conséquent une préparation. Ce qui nous conduit à formuler ces questions : Quel est le but de cette rencontre ‘’secrète’’ ? Sur quoi les échanges ont-ils porté ? Qu’a dit le PM aux députés qu’il a réunis ? Que lui ont-ils répondu en retour ? Ce sont là autant de questions qu’on peut légitimement se poser sur cette rencontre convoquée à 48 heures seulement de la présentation du texte sur le redéploiement de Barkhane par le PM devant l’Assemblée nationale. Il s’agit peut-être pour Ouhoumoudou de se prémunir contre toute éventualité fâcheuse en conditionnant les députés de la majorité afin qu’ils parlent d’une même et seule voix. Autrement, nous ne voyons aucun autre motif valable qui puisse justifier cette rencontre ‘’secrète’’ entre le PM et la majorité parlementaire. Du reste, ce n’est pas la première fois qu’on assiste à une telle manœuvre de la part de l’Exécutif lorsqu’il s’agit de faire passer comme lettre à la poste certains projets de texte sulfureux à l’Assemblée nationale. A l’occasion de l’examen et l’adoption de la loi des Finances 2022, nous avions eu vent qu’une rencontre similaire s’est tenue et a même été sanctionnée par des gratifications de conditionnement aux participants pour faire aboutir le projet. Cette fois-ci encore, telles que les choses se dessinent, il est loisible dire que le PM n’a pas d’inquiétude à se faire, il sera juste secoué par des questions embarrassantes sur le sujet en débat , mais la volonté du régime se matérialisera.